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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/287

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sciences autour de ce jeune infortuné ! Ô toi qui vas le conduire dans ces périlleux sentiers, & tirer devant ses yeux le rideau sacré de la Nature, tremble. Assure-toi bien premierement de sa tête & de la tienne ; crains qu’elle ne tourne à l’un ou à l’autre, & peut-être à tous les deux. Crains l’attrait spécieux du mensonge, & les vapeurs enivrantes de l’orgueil. Souviens-toi, souviens-toi sans cesse que l’ignorance n’a jamais fait de mal, que l’erreur seule est funeste, & qu’on ne s’égare point par ce qu’on ne sait pas, mais par ce qu’on croit savoir.

Ses progrès dans la géométrie vous pourroient servir d’épreuve & de mesure certaine pour le développement de son intelligence ; mais sitôt qu’il peut discerner ce qui est utile & ce qui ne l’est pas, il importe d’user de beaucoup de ménagement & d’art pour l’amener aux études spéculatives. Voulez-vous, par exemple, qu’il cherche une moyenne proportionnelle entre deux lignes ? commencez par faire en sorte qu’il ait besoin de trouver un quarré égal un rectangle donné : s’il s’agissoit de deux moyennes proportionnelles, il faudroit d’abord lui rendre le problême de la duplication du cube intéressant, &c. Voyez comment nous approchons par degrés des notions morales qui distinguent le bien & le mal ! Jusqu’ici nous n’avons connu de loi que celle de la nécessité : maintenant nous avons égard à ce qui est utile ; nous arriverons bientôt à ce qui est convenable & bon.

Le même instinct anime les diverses facultés de l’homme. À l’activité du corps qui cherche à se développer, succede l’activité de l’esprit qui cherche à s’instruire. D’abord les