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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/288

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s ne sont que remuans ; ensuite ils sont curieux, & cette curiosité bien dirigée est le mobile de l’âge où nous voilà parvenus. Distinguons toujours les penchants qui viennent de la Nature de ceux qui viennent de l’opinion. Il est une ardeur de savoir qui n’est fondée que sur le desir d’être estimé savant ; il en est une autre qui naît d’une curiosité naturelle à l’homme pour tout ce qui peut l’intéresser de près ou de loin. Le desir inné du bien-être et l’impossibilité de contenter pleinement ce desir, lui font rechercher sans cesse de nouveaux moyens d’y contribuer. Tel est le premier principe de la curiosité ; principe naturel au cœur humain, mais dont le développement ne se fait qu’en proportion de nos passions & de nos lumieres. Supposez un Philosophe relégué dans une Isle déserte avec des instrumens & des livres, sûr d’y passer seul le reste de ses jours ; il ne s’embarrassera plus gueres du systême du monde, des loix de l’attraction, du calcul différentiel : il n’ouvrira peut-être de sa vie un seul livre ; mais jamais il ne s’abstiendra de visiter son Isle jusqu’au dernier recoin, quelque grande qu’elle puisse être. Rejettons donc encore de nos premieres études les connoissances dont le goût n’est point naturel à l’homme, & bornons-nous à celles que l’instinct nous porte à chercher.

L’Isle du genre humain, c’est la terre ; l’objet le plus frappant pour nos yeux c’est le soleil. Sitôt que nous commençons à nous éloigner de nous, nos premieres observations doivent tomber sur l’une & sur l’autre. Aussi la philosophie de presque tous les peuples Sauvages roule-t-elle uniquement sur d’imaginaires divisions de la terre, & sur la divinité du soleil.