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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/290

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raison, il ne raisonnera plus ; il ne sera plus que le jouet de l’opinion des autres.

Vous voulez apprendre la géographie à cet enfant, & vous lui allez chercher des globes, des spheres, des cartes : que de machines ! Pourquoi toutes ces représentations ? Que ne commencez-vous par lui montrer l’objet même, afin qu’il sache au moins de quoi vous lui parlez.

Une belle soirée, on va se promener dans un lieu favorable, où l’horizon bien découvert laisse voir à plein le soleil couchant, & l’on observe les objets qui rendent reconnoissable le lieu de son coucher. Le lendemain, pour respirer le frais, on retourne au même lieu avant que le soleil se leve. On le voit s’annoncer de loin par les traits de feu qu’il lance au-devant de lui. L’incendie augmente, l’orient paroit tout en flammes : à leur éclat on attend l’astre long-tems avant qu’il se montre : à chaque instant on croit le voir paroître ; on le voit enfin. Un point brillant part comme un éclair & remplit aussi-tôt tout l’espace : le voile des ténebres s’efface & tombe. L’homme reconnoit son séjour & le trouve embelli. La verdure a pris durant la nuit une vigueur nouvelle ; le jour naissant qui l’éclaire, les premiers rayons qui la dorent, la montrent couverte d’un brillant réseau de rosée, qui réfléchit à l’œil la lumiere & les couleurs. Les oiseaux en chœur se réunissent & saluent de concert le Pere de la vie ; en ce moment pas un seul ne se tait. Leur gazouillement, foible encore, est plus lent & plus doux que dans le reste de la journée, il se sent de la langueur d’un paisible réveil. Le concours de tous ces objets porte aux sens une impression de fraîcheur