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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/292

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dre. Point de descriptions, point d’éloquence, point de figures, point de poésie. Il n’est pas maintenant question de sentiment ni de goût. Continuez d’être clair, simple & froid ; le tems ne viendra que trop tôt de prendre un autre langage.

Élevé dans l’esprit de nos maximes, accoutumé à tirer tous ses instruments de lui-même, & à ne recourir jamais à autrui qu’après avoir reconnu son insuffisance, à chaque nouvel objet qu’il voit il l’examine long-tems sans rien dire. Il est pensif & non questionneur. Contentez-vous donc de lui présenter à propos les objets ; puis quand vous verrez sa curiosité suffisamment occupée, faites-lui quelque question laconique qui le mette sur la voie de la résoudre.

Dans cette occasion après avoir bien contemplé avec lui le soleil levant, après lui avoir fait remarquer du même côté les montagnes & les autres objets voisins, après l’avoir laissé causer là-dessus tout à son aise, gardez quelques momens le silence comme un homme qui rêve, & puis vous lui direz ; je songe qu’hier au soir le soleil s’est couché là, & qu’il s’est levé là ce matin. Comment cela se peut-il faire ? N’ajoutez rien de plus ; s’il vous fait des questions, n’y répondez point ; parlez d’autre chose. Laissez-le à lui-même, & soyez sûr qu’il y pensera.

Pour qu’un enfant s’accoutume à être attentif, & qu’il soit bien frappé de quelque vérité sensible, il faut bien qu’elle lui donne quelques jours d’inquiétude avant de la découvrir. S’il ne conçoit pas assez celle-ci de cette maniere, il y a moyen de la lui rendre plus sensible encore, & ce moyen c’est de