Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/303

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j’avois quelque autre talent pour vivre, je ne me glorifierois guère de celui-ci. Vous deviez croire qu’un homme qui a passé sa vie à s’exercer à cette chétive industrie en sait là-dessus plus que vous, qui ne vous cri occupez que quelques moments. Si je ne vous ai pas d’abord montré mes coups de maître, c’est qu’il lie faut pas se presser d’étaler étourdiment ce qu’on sait ; j’ai toujours soin de conserver mes meilleurs tours pour l’occasion, & après celui-ci, j’en ai d’autres encore pour arrêter de jeunes indiscrets. Au reste, messieurs, je viens de bon cœur vous apprendre ce secret qui vous a tant embarrassés, vous priant de n’en as abuser pour me nuire, & d’être plus retenus une autre fois.

Alors il nous montre sa machine, & nous voyons avec la dernière surprise qu’elle rie consiste qu’en un aimant fort & bien armé, qu’un enfant caché sous la table faisoit mouvoir sans qu’on s’en aperçût.

L’homme replie sa machine ; &, après lui avoir fait nos remerciements et nos excuses, nous voulons lui faire un présent ; il le refuse. " Non, Messieurs, je n’ai pas assez à me louer de vous pour accepter vos dons ; je vous laisse obligés à moi malgré vous ; c’est ma seule vengeance. Apprenez qu’il y a de la générosité dans tous les états ; je fais payer mes tours & non mes leçons."

En sortant, il m’adresse à moi nommément & tout haut une réprimande. J’excuse volontiers, me dit-il, cet enfant ; il n’a péché que par ignorance. Mais vous, monsieur, qui deviez connaître sa faute, pourquoi la lui avoir laissé faire ?