Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/353

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Il regardoit comme un devoir du citoyen d en donner d’autres à la patrie, & du tribut qu’il lui payoit en ce genre il peuploit la classe des artisans. Sitôt que ces enfants étoient en âge, il leur faisoit apprendre a tous un métier de leur goût, n’excluant que les professions oiseuses, futiles, ou sujettes à la mode, telles, par exemple, que celle de perruquier, qui n’est jamais nécessaire, & qui peut devenir inutile d’un jour à l’autre, tant que !a nature ne se rebutera pas de nous donner des cheveux.

Voilà l’esprit qui doit nous guider dans le choix du métier d’émile, ou plutôt ce n’est pas à nous de faire ce choix, c’est à lui ; car les maximes dont il est imbu conservant en lui le mépris naturel des choses inutiles, jamais il ne voudra consumer son tems en travaux de nulle valeur & il ne connoît de valeur aux choses que celle de leur utilité réelle ; il lui faut un métier qui pût servir à Robinson dans son île.

En faisant passer en revue devant un enfant les productions de la nature & de l’art, en irritant sa curiosité, &, le suivant où elle le porte, on a l’avantage d’étudier es goûts, ses inclinations, ses penchants, & de voir brille la première étincelle de son génie, s’il en a quelqu’un qui soit bien décidé. Mais une erreur commune et dont il faut vous préserver, c’est d’attribuer à l’ardeur du talent l’effet de l’occasion, & de prendre pour une inclination marquée vers tel ou tel art l’esprit imitatif commun à l’homme & au singe, & qui porte machinalement l’un & l’autre à vouloir faire tout ce qu’il voit faire, sans trop savoir à quoi cela est bon. Le monde est plein d’artisans, & surtout d’artistes, qui n’ont point le