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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/369

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combien nos jugemens sur les apparences sont sujets à l’illusion, ne fût-ce que dans la perspective.

D’ailleurs, comme il sait par expérience que mes questions les plus frivoles ont toujours quelque objet qu’i n’apperçoit pas d’abord, il n’a point pris l’habitude d’y répondre étourdiment. Au contraire, il s’en défie, il s’y rend attentif, il les examine avec grand soin avant d’y répondre. Jamais il ne me fait de réponse qu’il n’en soit content lui-même ; & il est difficile à contenter. Enfin nous ne nous piquons ni lui ni moi de savoir la vérité des choses, mais seulement de ne pas donner dans l’erreur. Nous serions bien plus confus de nous payer d’une raison qui n’est pas bonne, que de n’en point trouver du tout. Je ne sais, est un mot qui nous va si bien à tous deux, & que nous répétons si souvent, qu’il ne coûte plus rien à l’un ni à l’autre. Mais soit que cette étourderie lui échappe, ou qu’il l’évite par notre commode je ne sais, ma replique est la même ; voyons, examinons.

Ce bâton qui trempe à moitié dans l’eau est fixé dans une situation perpendiculaire. Pour savoir s’il est brisé, comme il le paroit, que de choses n’avons-nous pas à faire avant de le tirer de l’eau, ou avant d’y porter la main ?

1o. D’abord nous tournons tout autour du bâton & nous voyons que la brisure tourne comme nous. C’est donc notre œil seul qui la change, & les regards ne remuent pas les corps.

2o. Nous regardons bien à plomb sur le bout du bâton qui est hors de l’eau, alors le bâton n’est plus courbe, le