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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/411

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gêne ; le sexe fait pour le bonheur du sien le dégoûte & le rassasie même avant qu’il le connoisse ; s’il continue à le voir, ce n’est plus que par vanité ; & quand il s’y attacheroit par un goût véritable, il ne sera pas seul jeune, seul brillant, seul aimable, & ne trouvera pas toujours dans ses maîtresses des prodiges de fidélité.

Je ne dis rien des tracasseries, des trahisons, des noirceurs, des repentirs de toute espece inséparables d’une pareille vie. L’expérience du monde en dégoûte, on le sait ; je ne parle que des ennuis attachés à la premiere illusion.

Quel contraste pour celui qui, renfermé jusqu’ici dans le sein de sa famille & de ses amis, s’est vu l’unique objet de toutes leurs attentions, d’entrer tout-à-coup dans un ordre de choses où il est compté pour si peu, de se trouver comme noyé dans une sphere étrangere, lui qui fit long-tems le centre de la sienne ! Que d’affronts, que d’humiliations ne faut-il pas qu’il essuie avant de perdre, parmi les inconnus, les préjugés de son importance pris & nourris parmi les siens ! Enfant, tout lui cédoit, tout s’empressoit autour de lui ; jeune homme, il faut qu’il cede à tout le monde ; ou, pour peu qu’il s’oublie & conserve ses anciens airs, que de dures leçons vont le faire rentrer en lui-même ! L’habitude d’obtenir aisément les objets de ses desirs le porte à beaucoup desirer, & lui fait sentir des privations continuelles. Tout ce qui le flatte, le tente ; tout ce que d’autres ont, il voudroit l’avoir ; il convoite tout, il porte envie à tout le monde, il voudroit dominer par-tout ; la vanité le ronge, l’ardeur des desirs effrénés enflamme son jeune cœur, la jalousie &