Aller au contenu

Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus fort, au travail le plus habile, aux jeux d’adresse le plus adroit ; mais il cherchera peu les avantages qui ne sont pas clairs par eux-mêmes, & qui ont besoin d’être constatés par le jugement d’autrui, comme d’avoir plus d’esprit qu’un autre, de parler mieux, d’être plus savant, &c. encore moins ceux qui ne tiennent point du tout à la personne, comme d’être d’une plus grande naissance, d’être estimé plus riche, plus en crédit, plus considéré, d’en imposer par un plus grand faste.

Aimant les hommes parce qu’ils sont ses semblables, il aimera sur-tout ceux qui lui ressemblent le plus, parce qu’il se sentira bon, & jugeant de cette ressemblance par la conformité des goûts dans les choses morales, en tout ce qui tient au bon caractere, il sera fort aise d’être approuvé. Il ne se dira pas précisément, je me réjouis parce qu’on m’approuve ; mai, je me réjouis parce qu’on approuve ce que j’ai fait de bien ; je me réjouis de ce que les gens qui m’honorent se font honneur ; tant qu’ils jugeront aussi sainement, il sera beau d’obtenir leur estime.

Étudiant les hommes par leurs mœurs dans le monde comme il les étudioit ci-devant par leurs passions dans l’Histoire, il aura souvent lieu de réfléchir sur ce qui flatte ou choque le cœur humain. Le voilà philosophant sur les principes du goût, & voilà l’étude qui lui convient durant cette époque.

Plus on va chercher loin les définitions du goût, & plus on s’égare ; le goût n’est que la faculté de juger de ce qui plaît ou déplaît au plus grand nombre. Sortez de-là, vous ne savez plus ce que c’est que le goût. Il ne s’ensuit pas qu’il