Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/208

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mérite est dans sa puissance ; il plaît par cela seul qu’il est fort. Ce n’est pas ici la loi de l’amour, j’en conviens ; mais c’est celle de la nature, antérieure a l’amour même.

Si la femme est faite pour plaire & pour être subjuguée, elle doit se rendre agréable à l’homme au lieu de le provoquer ; sa violence à elle est dans ses charmes c’est par eux qu’elle doit le contraindre à trouver sa force & a en user. L’art le plus sûr d’animer cette force est de la rendre nécessaire par la résistance. Alors l’amour-propre se joint au désir, & l’un triomphe de la victoire que l’autre lui fait remporter. De là naissent l’attaque & la défense, l’audace d’un sexe & la timidité de l’autre, enfin la modestie & la honte dont la nature arma le faible pour asservit le fort.

Qui est-ce qui peut penser qu’elle ait prescrit indifféremment les mêmes avances aux uns & aux autres, & que le premier à former des désirs doive être aussi le premier à les témoigner ? Quelle étrange dépravation de jugement ! L’entreprise ayant des conséquences si différentes pour les deux sexes, est-il naturel qu’ils aient la même audace à s’y livrer ? Comment ne voit-on pas qu’avec une si grande inégalité dans la mise commune, si la réserve n’imposoit à l’un la modération que la nature impose à l’autre, il en résulteroit bientôt la ruine de tous deux, & que le genre humain périroit par les moyens établis pour le conserver ? Avec la facilité qu’ont les femmes d émouvoir les sens des hommes, & d’aller réveiller au fond de leurs cœurs les restes d’un tempérament presque éteint, s’il étoit quelque malheureux climat sur la terre ou la philosophie eut introduit cet usage,