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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/58

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dez point, ô mon bon ami, s’il y aura d’autres sources de bonheur & de peines ; je l’ignore, & c’est assez de celles que j’imagine pour me consoler de cette vie & m’en faire espérer une autre. Je ne dis point que les bons seront récompensés ; car quel autre bien peut attendre un être excellent, que d’exister selon sa nature ? Mais je dis qu’ils seront heureux, parce que leur Auteur, l’Auteur de toute justice les ayant faits sensibles, ne les a pas faits pour souffrir ; & que n’ayant point abusé de leur liberté sur la terre, ils n’ont pas trompé leur destination par leur faute ; ils ont souffert pourtant dans cette vie, ils seront donc dédommagés dans une autre. Ce sentiment est moins fondé sur le mérite de l’homme, que sur la notion de bonté qui me semble inséparable de l’essence divine. Je ne fais que supposer les loix de l’ordre observées, & Dieu constant à lui-même [1].

Ne me demandez pas non plus si les tourmens des méchans seront éternels, & s’il est de la bonté de l’Auteur de leur être de les condamner à souffrir toujours. Je l’ignore encore, & n’ai point la vaine curiosité d’éclaircir des questions inutiles. Que m’importe ce que deviendront les méchans ? je prends peu d’intérêt à leur sort. Toutefois j’ai peine à croire qu’ils soient condamnés à des tourmens sans fin. Si la suprême Justice se venge, elle se venge dès cette vie. Vous & vos erreurs, ô nations ! êtes ses ministres. Elle employe les maux que vous vous faites, à punir

  1. (31)


    Non pas pour nous, non pas pour nous, Seigneur,
    Mais pour ton nom, mais pour ton propre honneur,
    Ô Dieu ! fais-nous revivre !
    Ps. 115.