Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/147

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Eh ! comment me résoudrois-je à justifier cet Ouvrage ? moi qui crois effacer par lui les fautes de ma vie entière ; moi qui mets les maux qu’il m’attire en compensation de ceux que j’ai faits ; moi qui, plein de confiance, espère dire au Juge Suprême : Daigne juger dans ta clémence un homme foible ; j’ai fait le mal sur la terre, mais j’ai publié cet Ecrit.

Mon cher Monsieur, permettez à mon cœur gonflé d’exhaler de tems en tems ses soupirs ; mais soyez sûr que dans mes discussions je ne mêlerai ni déclamations ni plaintes. Je n’y mettrai pas même la vivacité de mes adversaires ; je raisonnerai toujours de sang-froid. Je reviens donc.

Tâchons de prendre un milieu qui vous satisfasse, & qui ne m’avilisse pas. Supposons un moment la profession de foi du Vicaire adoptée en un coin du monde Chrétien, & voyons ce qu’il en résulteroit en bien & en mal. Ce ne sera ni l’attaquer ni la défendre ; ce sera la juger par ses effets.

Je vois d’abord les choses les plus nouvelles sans aucune apparence de nouveauté ; nul changement dans le culte & de grands changemens dans les cœurs, des conversions sans éclat, de la foi sans dispute, du zèle sans fanatisme, de la raison sans impiété, peu de dogmes & beaucoup de vertus, la tolérance du Philosophe & la charité du Chrétien.

Nos Prosélytes auront deux règles de foi qui n’en font qu’une, la raison & l’Evangile ; la seconde sera d’autant plus immuable qu’elle ne se fondera que sur la premiere, & nullement sur certains faits, lesquels, ayant besoin d’être attestés, remettent la Religion sous l’autorité des hommes.