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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/243

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ce qu’on appelle modération n’auroit-il pas été taxé d’indiffrénce, de tiédeur impardonnable ? Ce n’auroit pas été un si grand mal que cela, & l’on ne donne pas des noms si honnêtes à la dureté qu’on exerce envers moi pour mes Ecrits, ni au support que l’on prête à ceux d’un autre.

En continuant de me supposer coupable, supposons de plus que le Conseil de Geneve avoit droit de me punir, que la procédure eût été conforme à la Loi, & que cependant, sans vouloir même, censurer mes Livres, il m’eût reçu paisiblement arrivant de Paris ; qu’auroient dit les honnêtes gens ? le voici.

"Ils ont fermé les yeux, ils le devoient. Que pouvoient-ils faire ? User de rigueur en cette occasion eût été barbarie, ingratitude, injustice même, puisque la véritable justice compense le mal par le bien. Le coupable a tendrement aimé sa Patrie, il en a bien mérité ; il l’a honorée dans l’Europe ; & tandis que ses Compatriotes avoient honte du nom Genevois, il en a fait gloire, il l’a réhabilité chez l’Etranger. Il a donné ci-devant des conseils utiles ; il vouloit le bien public, il s’est trompé, mais il étoit pardonnable. Il a fait les plus grands éloges des Magistrats, il cherchoit à leur rendre la confiance de la Bourgeoisie ; il a défendu la Religion des Ministres, il méritoit quelque retour de la part de tous. Et de quel front eussent-ils osé sévir, pour, quelques erreurs, contre le Défenseur de la Divinité, contre l’Apologiste de la Religion si généralement attaquée, tandis qu’ils toléroient, qu’ils permettoient même les Ecrits les p1us odieux, les