de protection, auxquels il sera impossible de résister toujours. Bientôt les Comédiens, surs de l’impunité, la procureront encore à leurs imitateurs ; c’est par eux qu’aura commence le désordre, mais on ne voit plus où il pourra s’arrêter. Les femmes, la jeunesse, les riches, les gens oisifs, tout sera pour eux, tout éludera des loix qui les gênent, tout favorisera leur licence : chacun, cherchant à les satisfaire, croira travailler pour ses plaisirs. Quel homme osera s’opposer à ce torrent, si ce n’est peut-être quelque ancien Pasteur rigide qu’en n’écoutera point, & dont le sens & la gravite passeront pour pédanterie chez une jeunesse inconsidérée ? Enfin pour peu qu’ils joignent d’art & de manege à leur succès, je ne leur donne pas trente ans pour être les arbitres de l’Etat.*
[* On doit toujours se souvenir que, pour que la Comédie se soutienne à Geneve, il faut que ce goût y devienne une fureur ; s’il n’est que modéré, il faudra qu’elle tombe. La raison veut donc qu’en examinant les effets du Théâtre, on les mesure sur une cause capable de le soutenir.] On verra les aspirans aux charges briguer leur faveur pour obtenir les suffrages ; les élections se seront dans les loges des Actrices, & les chefs d’un Peuple libre seront les créatures d’une bande d’Histrions. La plume tombe des mains a cette idée. Qu’on l’écarte tant qu’on voudra, qu’on m’accuse d’outrer la prévoyance ; je n’ai plus qu’un mot à dire. Quoiqu’il arrive, il faudra que ces gens-là reforment leurs mœurs parmi nous, ou qu’ils corrompent les nôtres. Quand cette alternative aura cessé de nous effrayer, les Comédiens pourront venir, ils n’auront plus de mal à nous faire.
Voila, Monsieur, les considérations que j’avois à proposer