Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/95

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Enfin est-il donc si essentiel à chacune de haïr les autres, que, cette haine ôtée, tout soit ôté ?

Voilà pourtant ce qu’on persuade au peuple quand on veut lui faire prendre son défenseur en haine, & qu’on a la force en main. Maintenant, hommes cruels, vos décrets, vos buchers, vos mandements, vos journaux le troublent & l’abusent sur mon compte. Il me croit un monstre sur la foi de vos clameurs mais vos clameurs cesseront enfin ; mes écrits resteront malgré vous, pour votre honte. Les Chrétiens, moins prévenus, y chercheront avec surprise les horreurs que vous prétendez y trouver ; ils n’y verront, avec la morale de leur divin maître, que des leçons de paix, de concorde & de charité. Puissent-ils y apprendre à être plus justes que leurs Peres ! Puissent les vertus qu’ils y auront prises me venger un jour de vos malédictions !

À l’égard des objections sur les sectes particulieres dans lesquelles l’univers est divisé, que ne puis-je leur donner assez de force pour rendre chacun moins entêté de la sienne & moins ennemi des autres ; pour porter chaque homme à l’indulgence, à la douceur, par cette considération si frappante & si naturelle ; que, s’il fût né dans un autre pays, dans une autre secte, il prendroit infailliblement pour l’erreur ce qu’il prend pour la vérité, & pour la vérité ce qu’il prend pour l’erreur ! Il importe tant aux hommes de tenir moins aux opinions qui les divisent qu’à celles qui les unissent ! Et au contraire, négligeant ce qu’ils ont de commun, ils s’acharnent aux sentiments particuliers avec une espece de rage ; ils tiennent d’autant plus à ces sentiments qu’ils semblent moins