Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/227

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tête à personne ! Fantasque plus circonspecte sur ses propres vérités, ne dit pas tout ce qu’elle pensoit de la sagesse du Roi futur, mais il étoit aisé de douter, à l’air triste dont elle le caressoit, qu’elle eût au fond du cœur une grande opinion de son partage. Cependant le Roi la regardant avec une sorte de confusion, lui fit quelques reproches sur ce qui s’étoit passé. Je sens mes torts, lui dit-il, mais ils sont votre ouvrage ; nos enfans auroient valu beaucoup mieux que nous, vous êtes cause qu’ils ne feront que nous ressembler. Au moins, dit-elle aussi-t ôt, en sautant au cou de son mari, je suis sûre qu’ils s’aimeront autant qu’il est possible. Phénix touché de ce qu’il y avoit de tendre dans cette saillie, se consola par cette réflexion qu’il avoit si souvent occasion de faire qu’en effet la bonté naturelle, & un cœur sensible suffisent pour tout réparer.

Je devine si bien tout le reste, dit le Druide à Jalamir en l’interrompant, que j’achèverais le conte pour toi. Ton Prince Caprice fera tourner la tête à tout le monde, & sera trop bien l’imitateur de sa mère pour n’en pas être le tourment. Il bouleversera le Royaume en le voulant réformer. Pour rendre ses sujets heureux, il les mettra au désespoir, s’en prenant toujours aux autres de ses propres torts ; injuste pour avoir été imprudent, le regret de ses fautes lui en fera commettre de nouvelles. Comme la sagesse ne le conduira jamais, le bien qu’il voudra faire augmentera le mal qu’il aura fait. En un mot, quoiqu’au fond il soit bon, sensible & généreux, ses vertus mêmes lui tourneront à préjudice, & sa seule étourderie unie à tout son pouvoir, le fera plus haîr que n’auroit foit une méchanceté raisonnée. D’un autre c ôté ta Princesse Raison,