Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/267

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Mais ſur les premieres nouvelles de la ſédition d’Allemagne & avant que d’avoir rien d’aſſuré du côté de Vitellius, l’incertitude de Galba ſur les lieux où tomberoit l’effort des armées la défiance des troupes mêmes qui étoient à Rome le déterminerent à ſe donner un Collegue à l’Empire, comme à l’unique parti qu’il crût lui reſter à prendre. Ayant donc aſſemblé avec Vinius & Lacon, Celſus conſul déſigné & Geminus préfet de Rome, après quelques diſcours sur sa vieilleſſe il fit appeller Piſon, ſoit de ſon propre mouvement, ſoit ſelon quelques-uns, à l’inſtigation de Lacon, qui, par le moyen de Plautus, avoit lié amitié avec Piſon, & le portant adroitement ſans paroître y prendre intérêt étoit ſecondé par la bonne opinion publique. Piſon fils de Craſſus & de Scribonia, tous deux d’illuſtres maiſons, ſuivoit les mœurs antiques, homme auſtere à le juger équitablement, triſte & dur ſelon ceux qui tournent tout en mal, & dont l’adoption plaiſoit à Galba par le côté même qui choquoit les autres.

Prenant donc Pison par la main, Galba lui parla, dit-on, de cette maniere. “Si, comme particulier, je vous adoptois, ſelon l’uſage, par-devant les Pontifes, il nous ſeroit honorable, à moi, d’admettre dans ma famille un deſcendant de Pompée & de Craſſus ; à vous, d’ajouter à votre nobleſſe celle des maiſons Lutatienne & Sulpicienne. Maintenant, appellé à l’Empire du conſentement des Dieux & des hommes, l’amour de la patrie & votre heureux naturel me portent à vous offrir au ſein de la paix, ce pouvoir ſuprême que la guerre m’a donné & que nos ancêtres ſe ſont diſputés