Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne permet pas au poison de s’exhaler aussi librement. Elles détruisent la vertu, mais elles en laissent le simulacre public *

[*Ce simulacre est une certaine douceur de mœurs qui supplée quelquefois à leur pureté, une certaine apparence d’ordre qui prévient l’horrible confusion, une certaine admiration des belles choses qui empêche les bonnes de tomber tout-à-fait dans l’oubli. C’est le vice qui prend le masque de la vertu, non comme l’hypocrisie pour tromper & trahir, mais pour s’ôter sous cette aimable & sacrée effigie l’horreur qu’il a de lui-même quand il se voit à découvert.] qui est toujours une belle chose. Elles introduisent à sa place la politesse & les bienséances, & à la crainte de paroître méchant, elles substituent celle ; de paroître ridicule.

Mon avis est donc, & je l’ai déjà dit plus d’une fois, de laisser subsister & même d’entretenir avec soin les l’Académies, les Colleges, les Universités, les Bibliothèques, les Spectacles, & tous les autres amusemens qui peuvent faire quelque diversion à la méchanceté des hommes, & les empêcher d’occuper leur oisiveté à des choses plus dangereuses. Car dans une contrée ou il ne seroit plus question d’honnêtes gens ni de bonnes mœurs, il vaudroit encore mieux vivre avec des fripons qu’avec des brigands.

Je demande maintenant ou est la contradiction de cultiver moi-même des goûts dont j’approuve le progrès ? Il ne s’agit plus de porter les peuples à bien faire, il