Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/438

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c’est à cette cause qu’il faut remonter pour concevoir la différence générale & caractéristique qu’on remarque entre les langues du midi & celles du nord. Le grand défaut des Européens est de philosopher toujours sur les origines des choses d’après ce qui se passe autour d’eux. Ils ne manquent point de nous montrer les premiers hommes, habitant une terre ingrate & rude, mourant de froid & de faim, empressés à se faire un couvert & des habits ; ils ne voient partout que la neige & les glaces de l’Europe ; sans songer que l’espèce humaine, ainsi que toutes les autres, a pris naissance dans les pays chauds, & que sur les deux tiers du globe l’hiver est à peine connu. Quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi ; mais pour étudier l’homme, il faut apprendre à porter sa vue au loin ; il faut d’abord observer les différences pour découvrir les propriétés.

Le genre humain, né dans les pays chauds, s’étend de là dans les pays froids ; c’est dans ceux-ci qu’il se multiplie, & reflue ensuite dans les pays chauds. De cette action & réaction viennent les révolutions de la terre & l’agitation continuelle de ses habitans. Tâchons de suivre dans nos recherches l’ordre même de la nature. J’entre dans une longue digression sur un sujet si rebattu qu’il en est trivial, mais auquel il faut toujours revenir, malgré qu’on en ait, pour trouver l’origine des institutions humaines.