Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/459

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hommes soumis à tant de besoins sont faciles à irriter ; tout ce qu’on fait autour d’eux les inquiète : comme ils ne subsistent qu’avec peine, plus ils sont pauvres, plus ils tiennent au peu qu’ils ont ; les approcher c’est attenter à leur vie. De là leur vient ce tempérament irascible si prompt à se tourner en fureur contre tout ce qui les blesse : ainsi leurs voix les plus naturelles sont celles de la colère & des menaces, & ces voix s’accompagnent toujours d’articulations fortes qui les rendent dures & bruyantes.


CHAPITRE XI.

Réflexions sur ces différences.

VOILA, selon mon opinion, les causes physiques les plus générales de la différence caractéristique des primitives langues. Celles du midi durent être vives, sonores, accentuées, éloquentes, & souvent obscures à force d’énergie : celles du nord durent être sourdes, rudes, articulées, criardes, monotones, claires à force de mots plutôt que par une bonne construction. Les langues modernes, cent fois mêlées & refondues, gardent encore quelque chose de ces différences : le françois, l’Anglois, l’allemand, sont le langage privé des hommes qui s’entr’aident, qui raisonnent entre eux de sang-froid, ou de gens emportés qui se fâchent ; mais les ministres des Dieux annonçant les mystères sacrés, les sages donnant des lois aux peuples, les chefs entraînant la multitude