Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/504

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Si l’on demandoit laquelle de toutes les langues doit avoir une meilleure Grammaire ; je repondrois que c’est celle du Peuple qui raisonne le mieux ; & si l’on demandoit lequel de tous les Peuples doit avoir une meilleure Musique, je dirois que c’est celui dont la langue y est le plus propre. C’est ce que j’ai déjà établi ci-devant, & que j’aurai occasion de confirmer dans la suite de cette Lettre. Or s’il y a en Europe une langue propre à la Musique, c’est certainement l’Italienne ; car cette langue est douce, sonore, harmonieuse, & accentuée plus qu’aucune autre, & ces quatre qualités sont précieusement les plus convenables au chant.

Elle est douce, parce que les articulations y sont peu composées, que la rencontre des consonnes y est rare & sans rudesse, & qu’un très-grand nombre de syllabes n’y étant formées que de voyelles, les fréquentes élisions en rendent la prononciation plus coulante : elle est sonore, parce que la plupart des voyelles y sont éclatantes, qu’elle n’a pas de diphtongues composées, qu’elle a peu ou point de voyelles nazales, & que les articulations rares & faciles distinguent mieux le son des syllabes, qui en devient plus net & plus plein. À l’égard de l’harmonie, qui dépend du nombre & de la prosodie autant que des sons, l’avantage de la langue Italienne est manifeste sur ce point : car il faut remarque que ce qui rend une langue harmonieuse & véritablement pittoresque, dépend moins de la force réelle de ses termes, que de la distance qu’il y a du doux au fort entre les sons qu’elle emploie, & du choix qu’on en peut faire pour les tableaux qu’on a à peindre. Ceci suppose, que ceux qui pensent que