Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/578

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soufflois ; encore souvent ne pouvoient-ils la saisir : ils n’appercevoient jamais le moindre rapport entre deux sons differens entendus a la fois : cet ensemble même leur deplaisoit toujours, quelque juste que fut l’intervalle ; leur oreille etoit choque d’une tierce comme la notre l’est d’une dissonance, & le puis assurer qu’il n’y en avoit pas un pour qui la cadence rompue n’eut pu terminer un air tout aussi bien que la cadence parfaite, si l’unisson s’y fut trouve de même.

Quoique le principe de l’harmonie soit naturel, comme il ne s’offre au sens que sous l’apparence de l’unisson, le sentiment qui le développe est acquis & factice, comme la plupart de ceux qu’on attribue a la nature, & c’est sur-tout en cette partie de la Musique qu’il y a, comme dit très-bien M. d’Alembert, un art d’entendre comme un art d’exécuter. J’avoue que ces observations, quoique justes, rendent a Paris les expériences difficiles, car les oreilles ne s’y préviennent gueres moins vite que les esprits : mais c’est un inconvéniens inséparable des grandes villes, qu’il y faut toujours chercher la nature au loin.

Un autre exemple dont M. Rameau attend tout, & qui me semble a moi ne prouver rien, c’est l’intervalle des deux notes ut fa dièse, sous lequel, appliquant différentes Basses qui marquent différentes transitions harmoniques, il prétend montrer par les diverses affections qui en naissent, que la force de ces affections dépend de l’harmonie & non du chant. Comment M. Rameau a-t-il pu se laisser abuser par ses yeux, par ses préjuges, au point de prendre tous ces divers passages pour un même chant, parce que c’est le même intervalle