Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/580

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terminée ; mais deux notes d’une durée indéterminée ne suffisent pas pour constituer un chant, puisqu’elles ne marquent ni mode ni phrase, ni commencement ni fin. Qui est-ce qui peut imaginer un chant dépourvu de tout cela ? À quoi pense M. Rameau, de nous donner pour des accessoires de la mélodie, la mesure, la différence du haut ou du bas, du doux ou du fort, du vite & du lent ; tandis que toutes ces choses ne sont que la mélodie elle-même, & que si on les en separoit, elle n’existeroit plus. La mélodie est un langage comme la parole ; tout chant qui ne dit rien n’est rien, & celui-là seul peut dépendre de l’harmonie. Les sons aigus ou graves représentent les accens semblables dans le discours, les brèves les longues, les quantités semblables dans la prosodie, la mesure égale & constante, le rythme & les pieds des vers, les doux & les forts, la voix remisse ou véhément de l’orateur. Y a-t-il un homme au monde assez froid, assez dépourvu d’sentiment pour dire ou lire des choses passionnées, sans jamais adoucir ni renforcer la voix. M. Rameau, pour comparer la mélodie a l’harmonie, commence par dépouiller la premiere de tout ce qui lui étant propre, ne peut convenir a l’autre : il ne considère pas la mélodie comme un chant, mais comme un remplissage ; il dis que ce remplissage naît de l’harmonie, & il a raison.

Qu’est-ce qu’une suite de sons indéterminés, quant a durée ? Des sons isoles & dépourvus de tout effet commun qu’on entend, qu’on saisit séparément les uns des autres, & qui bien qu’engendres par une succession harmonique, n’offrent aucun ensemble a l’oreille, & attendent, pour former