Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/323

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pas la même lumiere à tous ses objets, l’habile Musicien ne donnera pas non plus la même énergie à tous ses sentimens, ni la même forcé à tous ses tableaux, & placera chaque Partie au lieu qui convient, moins pour la faire valoir seule, que pour donner un plus grand effet au tout.

Après avoir bien vu ce qu’il doit dire, il cherche comment il le dira, & voici où commence l’ application des préceptes de l’Art, qui est comme la langue particuliere dans laquelle le Musicien veut se faire entendre.

La Mélodie, l’Harmonie, le Mouvement, le choix des Instrumens & des Voix sont les élémens du langage musical ; & la Mélodie, par sort rapport immédiat avec l’Accent grammatical & oratoire, est celui qui donne le caractere à tous les autres. Ainsi c’est toujours du Chant que se doit tirer la principale Expression, tant dans la Musique Instrumentale que dans la Vocale.

Ce qu’on cherche donc à rendre par la Mélodie, c’est le Ton dont s’expriment les sentimens qu’on veut représenter, & l’on doit bien se garder d’imiter en cela la déclamation théâtrale qui n’est elle-même qu’une imitation, mais la voix de la Nature parlant sans affectation & sans art. Ainsi le Musicien cherchera d’abord un Genre de Mélodie qui lui fournisse les inflexions Musicales les plus convenables au sens des paroles, en subordonnant toujours l’Expression des mots à celle de la pensée, & celle-ci même à la situation de l’ame de l’Interlocuteur : car quand on est fortement affecté, tous les discours que l’on tient prennent, pour ainsi dire, la teinte du sentiment général qui domine en nous,