Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/282

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2^2 DU CONTRAT SOCIAL,

citoyens, ce n'est point un engagement qu'il prend : c'est une forme provisionnelle (') qu'il donne à l'administration, jusqu'à ce qu'il lui plaise d'en ordonner autrement.

Il est vrai que ces changements sont toujours dangereux, et qu'il ne faut jamais toucher au gou- vernement établi que lorsqu'il devient incompatible avec le bien public ; mais cette circonspection est une maxime de politique, et non pas une règle de droit ; et l'État n'est pas plus tenu de laisser l'auto- rité civile à ses chefs que l'autorité militaire à ses généraux.

Il est vrai encore qu'on ne saurait, en pareil cas, observer avec trop de soin toutes les formalités requises pour distinguer un acte régulier et légi- time d'un tumulte séditieux, et la volonté de tout un peuple des clameurs d'une faction. C'est ici surtout qu'il ne faut donner au cas odieux (*) que ce qu'on ne peut lui refuser dans toute la rigueur du droit ; et c'est aussi de cette obligation que le prince tire un grand avantage pour conserver sa puissance malgré le peuple, sans qu'on puisse dire qu'il l'ait usurpée ; car, en paraissant n'user que de ses droits, il lui est fort aisé de les étendre, et d'empêcher, sous le prétexte du repos public, les assemblées destinées à rétablir le bon ordre ; de sorte qu'il se prévaut d'un

(') C'est-à dire provisoire.

( 2 ) Vieille expression juridique tombée en désuétude. C'est un cas dans lequel l'exercice du droit revendiqué apparaît comme dangereux ; on invoque alors la maxime du droit romain : « odia restringenda, favores ampliandi »; c'est-à-dire qu'il faut restreindre autant que possible les droits nuisibles et donner au contraire toute la latitude possible aux droits avantageux.

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