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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/210

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LIVRE III. — CHAP. IX. r53 fére la sureté des possessions, et l’autre celle des personnes; l’un veut que le meilleur gouvernement soit le plus sévere, l’autre soutient que c’est le plus doux; celui·ci veut qu’on punisse les crimes, et celui-la qu`on les prévienne; l’un trouve beau qu’on soit craint des voisins, l’autre aime mieux qu’on en soit ignoré ; l’un est content quand l’argent circule, l’autre exige que le peuple ait du pain. Quand meme on conviendrait sur ces points et d’autres semblables, en serait·on plus avancé? Les qualités morales manquant de ( mesure précise, {fit-on d’acc0rd sur le signe, comment l’étre sur l’estimation? Pour moi, je m’étonne toujours qu’on méconnaisse un signe aussi simple, ou qu’on ait la mauvaise foi de n’en pas convenir. Quelle est la fin de l’association politique ? C’est la conservation et la prospérité de ses membres. Et quel est le signe le plus sur qu’ils se conservent et prospérent ? C’est leur nombre et leur population. N’allez donc pas c`hercher ailleurs ce signe si disputé. Toute chose d’ailleurs ‘ égale, le gouvernement s0us lequel, sans moyens étrangers, sans naturalisation, sans colonies, les citoyens peuplent et multiplient davantage, est infailliblement le meilleur (1). (1) R. Emile, liv. V. — Les rapports nécessaires des moeurs au gouver- nement ont été si bien exposés dans le livre de l’Esprit des Lois, qu’on ne peut mieux faire que de recourir a cet ouvrage pour étudier ces rapports. Mais, en général, il y a deux régles faciles et simples pour juger de la bonté relative des gouvernements. L’une est la population. Dans tout pays qui se dépeuple, l’Etat tend it sa ruine; et le pays qui peuple le plus, fut-il le plus , pauvre, est infailliblement le mieux gouverné. Mais il faut pour cela que cette population soit un efiet naturel du gou- Vernemcnt et des mozurs; car si elle se faisait par des colonies ou par d’autres voies accidentelles et passagéres, alors elles prouveraient le mal par le reméde. Quand Auguste porta des lois contre le célibat, ces lois mon-

traient déja le déclin de l’empire romain. Il faut que la bonté du gouverne-

l ment porte les citoyens a se marier, et non pas que la loi les y contraigne : _ ‘ il ne faut pas examiner ce qui se fait par force, car la loi qui combat la constitution s’élude et devient vaine, mais ce qui se fait par Pintluence des moeurs et par 1a pente natui-elle du gouveruemem, car ces moyens out seuls un etfet constant. C’était la politique du bon abbé de Saint-Pierre de chercher toujours un petit remede a chaque mal particulier, au lieu de remomer a leur source commune, ct de voir qu’on ne les pouvait guérir