Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/211

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154 DU CONTRAT SOCIAL. Celui sous lequel un peuple diminue et dépérit est le piI‘€. C&lCLl1&t€LlI`S, c’est fl‘lEli¤t€l’18.I1t VOtI`€ 3.if3.lI‘€; COmpt€Z, mesurez, comparez (a). que tous a la fois. ll ne s’agit pas de traiter séparément chaque ulcere qui vient sur le corps d’un malade, mais d'épurer la masse du sang qui les pro- duit tous. Bossusr, Politxque tirée de l’E.°criture Sainte, liv. X, art x•*. XI• et XIl• Proposition:. — On est ravi quand on voit sous les bons rois la multitude incroyable du peuple par la grandeur étonnante des armées... Concluons donc avec le plus sage de tous les rois : it La gloire du roi et sa dignité est la multitude du peuple; sa honte est de le voir amoindri et diminué par sa faute. » Prov. xiv, 28. , ‘ Fnénénxc ll, Anti-Maclziavel, chap. v. — La force d’un Etat ne consistc point dans l`étendue d’un pays ou dans la possession d’une vaste solitude, · mais dans la richesse des habitants et dans leur nombre. L’intérét du prince est donc de peupler un pays, et non de le dévaster et de le détruirc. (a) On doit juger sur le méme principe des siécles qui méritent la préfé- rence pour la prospérité du genre humain. On a trop admiré ceux ou l’on a vu fleurir les lettres et les arts, sans pénétrer l'objet secret de leur culture, sans en considérer le funeste etfet : tl Idque apud imperitos humanitas vocabatur, quum pars servitutis esset. » Ne verrons-nous jamais dans les maximes des livres l’intérét grossier qui fait parler les auteurs? Non, quoi qu’ils en puissent dire, quand, malgré son éclat, un pays se dépeuple, il n’est pas vrai que tout aille bien, et il ne suffit pas qu‘un poete ait cent mille livres de rente pour que son siécle soit le meilleur de tous. ll faut . moins regarder au repos apparent et a la tranquillité des chefs, qu’au bien- 'etre des nations entieres, et surtout des Etats les plus nombreux. La grele désole quelques cantons, mais elle fait rarement disette. Les émeutes, les guerres civiles effarouchent beaucoup les chefs, mais elles ne font pas les vrais malheurs des peuples, qui peuvent meme avoir du relache, tandis qu’on dispute a qui les tyrannisera. C’est de leur état permanent que naissent leurs prospérités ou leurs calamités réelles ;quand tout reste écrasé sous le joug, c’est alors que tout dépérit;c’est alors que les chefs, les détrui- sant a leur aise, u ubi solitudinem faciunt, pacem appellant. » Quand les tracasseries des grands agitaient le royaume de France, et que le coadiu· teur de Paris portait au Parlement un poignard dans sa poche, cela n’em- péchait pas que le peuple francais ne vécilt heureux et nombreux dans unc honnéte et libre aisance. Autrefois la Gréce Heurissait au sein des plus cruelles guerres; le sang y coulait 2-1 flots, et tout le pays était couvert d’hommes. Il semblait, dit Machiavel, qu’au milieu des meurtres, des . proscriptions, des guerres civiles, notre république en devint plus puis- sante; la vertu de ses citoyens, leurs mocurs, leur indépendance, avaient plus d’eti`et pour la renforcer que toutes ses dissensions n’en avaient pour l’al}`aiblir. Un peu d’agitation donne du 'ressort aux Ames, et ce qui fait vraiment prospérer l‘espéce est moins la paix que la liberté. (Note du Contrat social, édition de 1762.) - Emile, liv. I. — Si la guerre des rois est modérée, c’est leur paix qui est terrible, il vaut mieux etre leur ennemi que leur sujet.