Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/217

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rité royale sans y avoir droit. C’est ainsi que les Grecs entendaient ce mot de tyran : ils le donnaient indifféremment aux bons et aux mauvais princes dont l’autorité n’était pas légitime (a). Ainsi tyran et usurpateur sont deux mots parfaitement synonymes.

Pour donner ditférents noms a différentes choses, j’appelle tyran l’usurpateur de l’autorité royale, et despote l’usurpateur du pouvoir souverain. Le tyran est celui qui s’ingére contre les lois a gouverner selon ses lois ; le despote est celui qui se met au-dessus des lois memes. Ainsi le tyran peut n`être pas despote, mais Ie despote est toujours tyran.

CHAPITRE XI

DE LA MORT DU CORPS POLITIQUE

Telle est la pente naturelle et inévitable des gouvernements les mieux constitués Si Sparte et Rome ont péri, quel Etat peut espérer de durer toujoursi Si nous voulons former un établissement durable, ne songeons donc point it le rendre éternel. Pour réussir, il ne faut pas tenter l’impossible, ni se flatter de donner a l’ouvrage des hommes une solidité que les choses humaines ne comportent pas (2).

(4) ti Omues enim et habentur et dicuntur tyrauni, qui potestate utuutur perpetua in ea civitate qua`: libertate usa est. » (Corn. Nep., in Miltiad.) — ll est vrai qu’Aristote (Mor. Nicom., lib. VIII, cap. x) distingue le tyran du roi, en ce que le premier gouverne pour sa propre utilité, et Ie se- cond seulement pour l’utilité de ses suiets ; mais, outre que généralement tous les auteu rs grecs ont pris le mot tyran dans un autre sens, comme il parait surtout par le Hiéron de Xénophon, il s’ensuivrait de Ia distinction d’Aristote, que, depuis le commencement du monde, il n’aurait pas encore existé un seul roi. (Note du Contrat social, édition de 1762.)

(t) Tsctrz, Annal., 4. — Cunctas nationes et urbes populus aut primores ant singuli regunt. Delecta ex his et constituta reipublicte forma laudari facilius quam evenire, vel, si evenit, haud diuturna esse potest.

(2) R. Lettre d Philopolis. — Puisque vous prétendez m’attaquer par mon propre systéme, n’oubliez pas, ie vous prie, que selon moi, la société est naturelle n l‘espéce humaine comme la décrépitude a I`individu, et qu’il faut des arts, des lois, des gouvernements aux peuples comme il faut des béquilles aux vieillards. L’état de société ayant un terme extreme auquel les hommes sont les