Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/218

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` LIVRE III. - CHAP. XI. x6: Le corps politique, aussi bien que le corps de l’homme, commence à mourir dès sa naissance, et porte en lui-même les causes de sa destruction. Mais l’un et l’autre peuvent avoir une constitution plus ou moins robuste et propre a le conserver plus ou moins longtemps. La constitution de l’homme est l`ouvrage de la nature; celle de l’Etat est l’ou- vrage de l’art. Il ne dépend pas des hommes de prolonger leur vie, il dépend d’eux de prolonger celle de l’Etat aussi loin qu’il est possible, en lui donnant la meilleure con- stitution qu’il puisse avoir. Le mieux constitué finira, mais plus tard qu’un autre, si nul accident imprévu n’amene sa pette avant le temps. Le principe de la vie politique est dans l’autorité sou- veraine (1). La puissance législative est le cceur de l’Etat, la puissance exécutive en est le cerveau, qui donne le mouve— ment à toutes les parties. Le cerveau peut tomber en para- lysie et l’individu vivre encore. Un homme reste imbécile — et vit : mais sitôt que le cœur a cessé ses fonctions, l’animal est mort. Ce n’est point par les lois que l’Etat subsiste, c’est par le pouvoir législatif (2). La loi d’hier n’oblige pas aujourd’hui : maitres d’arriver plus tot ou plus tard, il n’est pas inutile de leur montrer le danger d’aller si vite et les miseres d’une condition qu’ils prennent pour la perfection de l’espece. ' R. Projet de Constitution pour la Corse. — Il y a dans tous les Etats un progres, un développement naturel et nécessaire depuis leur naissance jusqu’i1 leur destruction. Pour rendre leur durée aussi longue et aussi belle qu’il est possible, il vaut mieux en marquer le terme avant qu’apres. Il ne faut pas vouloir que la Corse soit tout d’un coup ce qu’elle peut etre, il vaut mieux qu’elle y parvienne et qu’elle monte que d’y etre a Pinstant meme et ne faire plus que décliner. Ce dépérissement ou elle est ferait de son état de vigueur un Etat tres faible, au lieu qu’en la disposant pour y atteindre, cet Etat sera dans la suite un Etat tres bon... (t) Aussnxou Sinner, Discours sur Ie Gouvernement, ch. m, section 41.- La force de la nation ne reside pas en la personne du magistrat, mais la force du magistrat reside en celle de la nation. (z) Mourzsqunsu, Grandeur et décgdcncc des Romains, chap. rv. — La _ tyrannie d’un prince ne met pas un Etat plus pres de sa ruine que l’indif— férence pour le bien commun n’y met une république. Dans les Etats gouvernés par un prince, les divisions s‘apaisent aisé- n