Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/229

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rieure d’un grand peuple avec la police aisée et le bon ordre d’un petit Etat (1).

(1) D`ANTRAIGUES, député à l’Assemblée nationale de t·;8g, La note qui suit termine sa brochure publiée en 1 ·;go, a Lausanne, ou il venait d’émigrer, sous ce titre: Quelle est la situation de l’Assemblée nationale? (in-8 de 6o pages).

Jean-Jacques Rousseau avait cu la volonté d’établir, dans un ouvrage qu’il destinait it éclaircir quelques chapitres du Contrat social, par quels moyens de petits Etats pouvaient exister a coté des grandes puissances, en _ formant des confédérations. Il n’a pas terminé cet ouvrage, mais il en avait tracé le plan, posé les bases, et placé, it coté des seize chapitres de cet écrit, quelques-unes de ses idécs qu’il comptait développer dans le corps de l’ouvrage. Ce manuscrit de trente-deux pages, entierement écrit de sa main, me fut remis par lui-meme, ct il m’autorisa it en faire, dans le courant de ma vie, l’usage que je croirais utile. .

Au mois de juillet 1789, relisant cet écrit et frappé des idées sublimes du génie qui l’avait composé, je crus (j’étais encore dans le délire de l’espérance) qu’il pouvait être infiniment utile à mon pays et je me déterminai à le publier.

J’eus le bonheur, avant de le livrer a l’impression, de consulter le meil- leur de mes amis, que son expérience éclairait sur les dangers qui nous entouraient et dont la cruelle prévoyance devinait quel usage funeste on ferait des écrits du grand homme dont je voulais publier les nouvelles idées. Il me prédit que les idées salutaires qu’il oifrait seraient méprisées, mais que ce que ce nouvel écrit pouvait contenir d`impraticable, de dangereux, pour une monarchic, serait précisément ce que l’on voudrait réaliser, et que de coupables ambitions s`étaieraient de cette grande autorité pour saper et peut-étre détruirc l`autorité royale.

Combien ie murmurai de ces réflexions! combien elles m’affligeaient! Je respectai l’ascendant de l`amitié unie a l’expérience et je me soumis. Ah ! que j’ai bien regu le prix de cette déférencel Grand Dieu, que n`auraient-ils pas fait de cet écrit ? Comme ils l’auraient souillé, ceux qui, dédaignant d`étudier les écrits de ce grand homme, ont dénaturé et avili ses principes, ceux qui n’ont pas vu que le Contrat social, ouvrage isolé et abstrait, n’est applicable a aucun peuple de l’univers; ceux qui n’ont pas vu que ce meme J.-J. Rous— ` seau, forcé d’appliquer ces préceptes a un peuple existant en corps de nation depuis des siecles, pliant aussitot ses principes aux anciennes institutions de ce peuple, ménageait tous les préjugés trop enracinés, pour étre détruits sans déchirements; qui disait, apres avoir tracé le tableau le plus deplorable de la constitution dégénérée de la Pologne: a Corrigez, s’il se peut, les abus de votre constitution, mais ne méprisez pas celle qui vous a fait ce que vous étes. » Quel parti d’aussi mauvais disciples d’un si grand homme auraient tiré de l’écrit que son amitié m’avait coniié, s’il pouvait étre utile! Cet écrit, quela sagesse d`autrui m`a préservé de publier, ne Ie sera jamais: j’ai trop bien vu et de trop pres le danger qui en résulterait pour ma patrie. Apres l’avoir communiqué it l`un des plus véritables amis de J.-J. Rousseau, qui habite pres du lieu ou je suis, il n’existera plus que dans nos souvenirs. — Voir l’appendice : Rousseau et le systeme fédératijl · F