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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/292

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ni commentaires. L’existence de la Divinité puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante, la vie a venir, le bonheur des justes, le chatiment des méchants, la sainteté du contrat social et des lois;voila les dogmes positifs (1). Quant aux dogmes négatifs, je les borne a un seul, c’est l’intolérance; elle rentre dans les cultes que nous avons exclus (2).

Ceux qui distinguent l'intolérance civile et l’intolérance théologique se trompent, a mon avis. Ces deux intolérances

ordonne de faire ou de s’abstenir; mais elle ne peut ordonner de croire. Ainsi quiconque n’attaque point la pratique de la religion n’attaque point la loi. Mais la discipline établie par la loi fait essentiellement partie de la législation, elle devient loi elle-méme. Quiconque l’attaque attaque la loi, et ne tend pas a moins qu’a troubler la constitution de l’Etat. Que cette constitution fut, avant d’étre établie, susceptible de plusieurs formes et combinaisons ditférentes, en est-elle moins respectable et sacrée sous une de ces formes, quand elle en est une fois revétue a l’exclusion de toutes les autres ? et des lors la loi politique n’est-elle pas constante et fixe, ainsi que la loi divine ?

(1) Wannunrou, Quatorgiéme dissertation. — Les hommes en instituant la société civile ont renoncé a la liberté naturelle et se sont soumis a l‘empire du souverain civil. Or ce ne pouvait pas etre en vue de se procurer les biens dont ils auraient pu iouir sans cela...

Le salut des 9.mes n’est ni la cause ni le but des institutions civiles...

Lorsqu’on dit que la religion ou le salut des Ames n’est point du district du magistrat, on doit toujours entendre qu’on en excepte les trois articles fondamentaux de la religion naturelle savoir : l’existence de Dieu, sa Providence et la différence essentielle que l’on trouve entre le bien et le mal moral. C’est le devoir du magistrat de chérir, de protéger, d’encourager ces opinions non en tant qu’elles sont propres a nous procurer un bonheur futur, mais en tant qu’elles sont relatives it notre bonheur présent et qu’elles servent de lien et de fondement a la société civile.

(2) R. 2• Lettre de la Montague. — La religion protestante est tolérante par principe, elle est tolérante essentiellement; elle l’est autant qu’il est possible de l’etre, puisque le seul dogme qu’elle ne tolére pas est celui de l'intolérance. Voila l’insurmontable barriere qui nous sépare des catholiques, et qui réunit les autres communions entre elles; chacune regarde bien les autres comme étant dans l’erreur; mais nulle ne regarde ou ne doit regarder cette erreur comme un obstacle au salut.

R. Emile, liv. IV. —_Le devoir de suivre et d’aimer la religion de son pays ne s’étend pas jusqu’aux dogmes contraires a la bonne morale, tels que celui de l‘intolérance. C’est ce dogme horrible qui arme les hommes les uns contre les autres, et les rend tous ennemis du genre humain. - La distinction entre la tolérance civile et la tolérance théologique est puérile et vaine. Ces deux intolérances sont inséparables,et l’on ne peut admettre l’une