Aller au contenu

Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

. APPENDICE I. 257 le souverain. Mais il faut remarquer qu’on ne peut pas appliquer ici la maxime du droit civil, que nul n’est tenu aux engagements pris avec Iui-méme; car il y a bien de la difference entre s’obliger envers soi, ou envers un tout dont on fait partie. Il faut remarquer encore que la délibération publique, qui peut obliger tous les suiets (1) en- vers le souverain, a cause des deux différents rapports sous lesquels chacun d’eux est envisagé, ne peut, par la raison contraire, ob1iger(z) le souverain(3) envers lui·méme,et que par conséquent il est contre la nature du corps politique que le souverain s’impose (4) une loi, qu’il ne puisse enfreindre. Ne pouvant se considérer que sous un seul et méme rapport, il est alors (5) dans le cas d’un particulier contractant avec soi·méme; par ou l’on voit qu’il n’y a ni peut y avoir nulle espece de loi fondamentale obligatoire pour le corps du peuple; ce qui ne signifie pas que ce corps ne puisse fort bien s’engager envers autrui, du moins en ce qui n’est pas contraire a sa nature; car a l’égard de 1’étranger il devient un étre simple ou un individu. Sitot que cette multitude est ainsi réunie en un corps, on ne sau- rait offenser aucun des membres sans attaquer le corps dans une partie de son existence, encore moins oifenser le corps sans que les membres s’en ressentent; puisque, outre la vie commune dont il s’agit, tous risquent encore la partie d’eux-mémes dont le souverain n’a pas actuellement disposé, et dont ils ne jouissent en sureté que sous la protection publique. — Ainsi le devoir et 1’intérét obligent également les deux parties contractantes a s’entr’aider mutuellement, et les mémes personnes doivent chercher a réunir sous ce double rapport tous les avantages qui en dépendent. Mais il y a quelques distinc- tions a faire en ce que le souverain, n’étant formé (6) que des particu- liers qui le composent, n’ajamais d’intérét contraire au leur, et que par conséquent la puissance souveraine ne saurait jamais avoir besoin de garant envers les particuliers vis-a·vis du souverain, a qui, malgré l’intérét commun, rien ne répondrait de leurs engagements, s’il ne trouvait des moyens de s’assurer de leur fidélité. En effet, chaque individu peut, comme homme, avoir une volonté particuliére con- traire ou dissemblable a la volonté générale qu’il a comme citoyen : son existence absolue et indépendante peut lui faire envisager ce qu’il doit a la cause commune comme une contribution gratuite, dont la perte sera moins nuisible aux autres que le paiement n’est onéreux pour lui, et regardant la personne morale, qui constitue . l’Etat, comme un étre de raison, parce que ce n’est pas un homme, il jouirait des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du suiet; (t) Ciloyens. (2) Engager. (3) L'Etat. (4) Se prescrive. (5) Exactement. (6) Ne tenant son existence. �