Aller au contenu

Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

exactement la quantité de ses forces qu’il emploie a l’accomplir, il est évident que dans tout ce qui n’excede pas la puissance publique, 1 l’état exécuterait touiours fidelement tout ce que veut le souverain et comme il le veut, si la volonté était un acte aussi simple, et l’action un effet aussi immédiat de cette meme volonté dans le corps civil que dans le corps humain.

Mais, quand meme la liaison dont je parle serait établie aussi ( bien qu’elle peut l’etre, toutes les difficultés ne seraient pas levées. Les ouvrages des hommes, toujours moins parfaits que ceux de la nature, ne vont jamais si directement at leur fin. L’on ne peut éviter en politique, non plus qu’en mécanique, d’agir plus faiblement ou moins vite, et de perdre de la force ou du temps. La volonté générale est rarement celle de tous (a), etla force publique est toujours moindre que la somme des forces particulieres; de sorte qu’il y a dans les ressorts de l’Etat un équivalent aux frottements des machines, qu’il faut savoir réduire a la moindre quantité possible, et qu’il faut du moins calculer et déduire d’avance de la force totale, pour proportionner exactement les moyens qu’on emploie a l’effet qu’on veut ‘ obtenir. Mais, sans entrer dans ces pénibles recherches qui font la science du législateur, achevons de tixer 1’idée de l’état civil (b).


CHAPITRE V

fausses notions du lien social.


Il y a mille manieres de rassembler les hommes, il n’y en a qu’une de les unir (c). C’est pour cela que je ne donne dans cet ouvrage qu’une méthode pour la formation des sociétés politiques, quoique, dans la multitude d’agrégations qui existent actuellement sous ce nom, il n’y en ait peut-etre pas deux qui aient été formées de la meme maniere, et pas une qui l’ait été selon celle que j’établis. Mais je cherche le droit et la raison, et ne dispute pas des faits. Cherchons (1) sur ces regles quels jugements on doit porter des autres voies d’association civile telles que les supposent la plupart de nos écrivains. 1. Que l’autorité naturelle d’un pere de famille s’étende sur ses enfants au dela meme de leur faiblesse et de leur besoin, et qu’en continuant de lui obéir ils fassent a la lin par l’habitude et par recon-

(1) Voyons.

(a) Contrat social. liv. II. chap. III. ll y a bien souvent de la difference entre la volonté de tous et la volonté générale, celle-ci ne regarde qu’a l’iutérét commun, l‘autre regarde A l`iutérét privé et n’est qu’une somme de volontés particulieres.

(b) Voir aussi Contrat social, liv. II, chap. vt.

(c) Discours sur Plnégalité. -—J’avoue que les événements que i‘ai a décrire ayautpu arriver de plusieurs mauieres je ne puis me détcrminer dans le choix que par des con- iectures... Telle fut ou dut étrel’0rigine de Ia société et des lois (Voir Contrat social, liv. l, ch. v.) ll y aura toujours une grande difference entre soumettre une multitude et régir une société.