Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

APPENDICE I. 263 naissance ce qu’ils faisaient d`abord par nécessité, cela se concoit sans peine, et les liens qui peuvent unir la famille sont faciles A voir. Mais que, le pere venant A mourir, un des enfants usurpe sur ses fréres dans un Age approchant du sien et méme sur des étrangers le pouvoir que le pére avait sur tous, voilA ce qui n’a plus de raison ni de fondement. Car les droits naturels de l’Age, de la force, de la ten- dresse aternelle, les devoirs de la ratitude filiale tout man ue A la _ P 8 » _ q fois dans ce nouvel ordre, et les fréres sont imbéciles ou dénaturés de soumettre leurs enfants au joug d’un homme qui, selon la loi natu- relle, doit donner toute préférences aux siens. On ne voit plus ici dans les choses de nozauds qui unissent le chef et les membres. La force agit seule, et la nature ne dit plus rien (a). Arrétons—nous un instant A ce parallele fait avec emphase par tant d’auteurs. Premiérement (1) [quand il y aurait entre l’Etat et la famille autant de rapports (2) qu’ils le prétendent, il ne s’ensuivrait pas pour cela que les regles de conduite propres A l’une de ces deux sociétés convinssent(3).Al’autre. Elles different trop en grandeur pour pouvoir étre administrées de la méme maniére, et il y aura toujours une extréme différence entre le gouvernement domestique, ou le pére voit(4) tout par lui-méme, etle gouvernement civil, ou Ie chef ne voit presque rien que par les yeux d’autrui. Pour que les choses devinssent égales A cet égard, il faudrait que les talents, la force, et toutes les facultés du pere,augmentassent en raison de la grandeur de la famille, et que l’Ame d’un puissant monarque fut A celle d’un homme ordinaire comme l’étendue de son empire est A l’héritage d’un particulier. Mais comment le gouvernement de l’Etat pourrait-il étre semblable A celui de la famille, dont le principe (5) est si diiférent? Le pére étant physiquement plus tort que ses enfants aussi longtemps que son secours leur est nécessaire, le pouvoir paternel passe avec raison pour etre établi par la nature. Dans la grande famille, dont tous les membres sont naturellement égaux, 1’autorité politique, purement arbitraire quant A son institution, ne peut étre fondée que sur des conventions, · ni le magistrat commander (6) au citoyen qu’en vertu des lois (7). Les (1) Le long passage placé entre crochets a pnru dans l`l·i'c0nomie politique. Nous avons relevé, en caractéres ordinaires de notes, les variantes qui existent entre le texte de cet ouvrage et celui du manuscrit. (2) Que certains auteurs. (5) Fussent conveuables. (4) Peut tout voir. (5) F ondetnent. (6) Aux autres. (7) Le pouvoir du pere sur les enfants, fondé sur leur avantage partieulier, ue peut, par sa nature, s‘étendre, iusqu°au droit de vie et de mort, mais le pouvoir souverain, qui u’a d’autre obiet que Ie bien commun, n°a d’autres bornes que celles de l’utilité publi- que bien entendue, distinction que j’expliquerai dans son lieu. — Ce passage, qui se trouve dans l'édition générale de 1782, ne figure ni dans le texte publié par l‘Encyelop¢die, ni dans la réimpression de Duvillard. (a) Voir Contra! social, liv. I, chap. 11. _