Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/351

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l 284 DU CONTRAT SOCIAL. i des talents qu’il a de trop, qu’un chef borné par le défaut de ceux qui lui manquent. * Cet inconvénient de Padministration d’une monar- ( chie, méme bien réglée, se fait surtout sentir quand elle est hérédi- taire, et que le chef n’est point choisi par le peuple, mais donné par la naissance. ¤|< Il faudrait, pour ainsi dire, que le royaume s’étendit ou se resserritt A chaque régne selon la portée du prince. Au lieu que les talents d’un sénat ayant des mesures plus fixes, l’Etat peut avoir des bornes constantes sans que l'administration en soutfre.] Au reste, une régle fondamentale, pour toute société bien con- stituée et gouvernée légitimement, serait qu’on en{p1’1t assembler aisément tous les membres toutes les fois qu’il serait nécessaire; car on verra (1) ci·aprés que les assemblées par députation ne peuvent ni représenter le corps ni recevoir de lui des pouvoirs suffisants pour statuer en son nom comme souverain. Il suit de IA que l’Etat devrait se borner A une seule ville tout au plus; que s’il en a plusieurs la capitale aura toujours de fait la souveraineté et les autres seront sujettes, sorte de constitution ou la tyrannie et l’abus sont inévitables. (a) [Il faut remarquer qu’on peut mesurerun corps politique de deux maniéres : savoir par 1’étendue du territoire ou par le nombre du peuple, et qu’il y a entre l’une et l’autre de ces mesures, un rapport nécessaire pour donner A l’Etat sa véritable grandeur; car ce sont les hommes qui font l’Etat, et c’est le terrain qui nourrit les hommes. Ce rapport est que la terre suffise A 1’entretien de ses habitants, et qu’il y ait autant d'habitants que la terre en peut nourrir. C’est dans cette proportion que se trouve le maximum de forces d’un nombre donné de peuple; car s’il y a du terrain de trop, la garde en est onéreuse, la culture insuffisante, et le produit superflu; s’il n’y en a pas assez, l’Etat se trouve pour le supplément dans la dépendance de ses voisins. Les considérations que fournit cette importante matiére nous meneraient trop loin s’il fallait ici nous y arréter. Il est certain, par exemple, qu’on ne saurait donner en calcul un rapport lixe entre la mesure de terre et le nombre d’hommes qui se suffisent 1’un A l’autre, tant A cause des differences qui se trouvent dans les qualités du terrain, dans ses degrés de fertilité, dans la nature de ses productions, dans l’inf1uence des climats, que de celles qu’on remarque dans les 1 tempéraments des hommes qui les habitent, dont les uns con- somment peu dans un pays fertile, les autres beaucoup sur un sol plus ingrat. De plus, il faut avoir égard A la plus grande ou moindre fécondité des femmes; A ce que le pays peut avoir de plus ou moins favorable A la population; A la quantité dont le législateur peut espérer d’y concourir par ses établissements; de sorte qu’il ne doit pas toujours fonder son jugement sur ce qu’il voit, mais sur ce qu’il (1) Je ferai voir. i ‘ I . ta) Le morceau entre crochets a passé dans le Contra! social, liar. II, chap. x. . . I ""` l l 1 l ....J