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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/352

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APPENDICE I. 285 prévoit; ni s’arréter autant A l’état actuel de la population qu’A celui ou elle doit naturellement parvenir. Enfin, il y a mille occasions ou les accidents particuliers du lieu exigent ou permettent d’embrasser plus ou moins de terrain qu’il ne parait nécessaire. Ainsi l’on s’éten- dra beaucoup dans un pays de montagnes, ou les productions natu- relles, savoir, les bois, et les paturages, exigent moins de travail humain, ou Pexpérience apprend que les femmes sont plus fécondes que dans les plaines et oii un grand sol incliné ne donne qu’une petite base horizontale, la seule qu’il faut Ccmptcr pour la végétation. Au contraire, on peut se resserrer au bord de la mer; méme dans des rochers et des sables presque stériles, parce que la péche peut suppléer en grande partie aux productions de la terre; et que les hommes doivent étre plus rassemblés pour repousser les corsaires et coureurs de mer; et qu’on a d’ailleurs plus de facilité pour déchar· ger le pays, par le commerce et les colonies, des habitants dont il serait surcharge. A ces conditions, il en faut aiouter une qui ne peut suppléer A nulle autre, mais sans laquelle elles sont toutes inutiles; c’est qu’on iouisse de l’abondance et d’une profonde paix, car le temps ou s’or· donne un Etat, est. comme celui ou se forme un bataillon; l’instant cit le corps est le plus faible, le moins capable de résistance et le plus facile A détruire. On résisterait mieux dans un désordre absolu que dans un moment de fermentation ou chacun s’occupe de son rang et non du péril. Qu’une guerre, une famine, une sédition, sur- vienne en ce temps dc crise, l’Etat est infailliblement renversé. Ce n’est pas qu’il n’y ait beaucoup de gouvernements établis durant ces orages; mais alors ce sont ces gouvernements memes qui détruisent l’l`:'Ztat. Les usurpateurs aménent ou choisissent toujours ces temps de trouble pour faire passer A la faveur de l’eHroi public des lois destructives que le peuple n’adopterait jamais de sang-froid, et l’on peut dire que le moment de l’institution est un des caractéres les plus surs par lesquels on peut distinguer l’ouvrage du législateur de celui du tyran.] Récapitulons les considérations qu’un législateur doit faire avant d’entreprendre l’institution d’un peuple, car ces considérations sont importantes pour ne pas user vainement le temps et l’autorité. D’abord il ne doit pas tenter de changer celle d’un peuple déjA`policé, encore moins d’en rétablir une qui soit abolie, ni de ranimer des ressorts usés (a); car il en est de la force des lois comme de la saveur du sel. Ainsi l’on peut donner de la vigueur A un peuple qui n’en eut jamais, mais non pas en rendre A celui qui l’a perdue; je regarde cette maxime comme fondamentale. Agis essaya de remettre en vigueur A Sparte la discipline de Lycurgue; les Macchabés voulaient (al Voir Contra! social, liv. ll, chap. x.