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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/353

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286 DU CONTRAT SOCIAL. a rétablir A Jérusalem la théocratie de Moise; Brutus voulut rendre A Rome son ancienne liberté; Rienzi tenta la méme chose dans la suite. Tout étaient des héros, le dernier méme le fut un moment de sa vie; tous périrent dans leurs entreprises. Toute grande nation est incapable de discipline. Un Etat trop petit n’a point de consistance; la médiocrité méme ne fait quelque- fois qu’unir les deux défauts. Il faut encore avoir égard au voisinage. Ce qui fit subsister les petits Etats de la Gréce, c`est qu’ils étaient eux-memes environnés d’autres petits Etats, et qu’ils en valaient tous ensemble un fort _ grand, quand ils étaient unis pour l’intérét commun. Tout Etat en- clavé dans un autre doit étre compté pour rien(t). Tout Etat trop grand pour ses habitants ou trop peuplé pour son territoire ne vaut guére mieux A moins que ce mauvais rapport ne soit accidentel et qu’il n’y ait une force naturelle qui raméne les choses A leur juste proportion (a). Enfin, il faut avoir égard aux circonstances; car, par exemple,on ne doit point parler de regle au peuple quand il a faim ni de raison A des t`anatiques.et la guerre,qui fait taire les lois existantes,ne per- met guére d’en établir. Mais la famine,la fureur, la guerre, ne durent pas toujours. Il n’y a méme ni homme ni peuple qui n’ait quelque intervalle meilleur et quelque moment de sa vie A donner A la raison; voila l’instant qu’il faut savoir saisir (b). (c) [Quel peuple est donc propre A la législation?Celui qui n’a jamais encore porté le ioug des lois, celui qui n’a ni coutumes ni supersti- tions enracinées et qui,pourtant,se trouve déja lié par quelque union d’origine ou d’intérét; celui qui ne craint pas d’étre écrasé par une invasion subite, et qui,sans entrer dans les querelles de ses voisins, peut résister A chacun par lui-méme, ou s’aider de l’un pour repous. ser l’autre; celui dont tous les membres peuvent étre connus de cha- cun d’eux, et ou 1’on n’est point forcé de charger un homme d’un plus grand fardeau qu`un homme ne peut porter, celui qui peut se passer des autres peuples et dont tout autre peuple peut se passer. Si de deux peuples voisins l’un ne pouvait se passer de l’autre, ce serait une situation tres dure pour le premier, mais tres dangereuse pour le second. Toute nation sage,en pareil cas,s’eH`orcera bien vite de délivrer l’autre de cette dépendance; celui qui n’est ni riche ni (1) Le passage suivant se trouve au verso des feuillets6n et 62 : C’e:t une triste posi- tion que d'é'tre entre deux puissants voisins, jaloux l'un de l‘autre. On évitera difjici- lement d'entrer dans leurs querelles et d'étre écrasé par le plus jhible. Si de deux peu- ples voisins, l‘un ne pouvait se passer de l’autre, ce serait une situation tres dure pour le premier et tres dangereuse pour le second. Toute nation sage, en pareil cas, seforcera bien vite de délivrer l’autre de cette dépendance.(Contrat social, liv. II, ch. x.) (a) Contrat social, liv. ll,chap. x. (b) Contrat social, liv. Il, chap. vm. (c) Le morceau entre crochets a passé dans le Contrat social, liv. II, chap. x.