Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/374

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APPENDICE I. 30: intolerant ne doit étre admis que dans un Etat théocratique, dans tout autre, il est absurde et pernicieux (1) (a). Il est clair que l’acte civil doit avoir tous les eifets civils, comme l’état et Ie nom des enfants, la succession des biens, etc.; les efi`ets du sacrement doivent étre purement spirituels. Or point du tout. Ils ont tellement confondu tout cela que l’état des citoyens et la succes- sion des biens dépendent uniquement des prétres. Il dépend absolu- ment du clergé qu’il ne naisse pas dans tout le royaume de France un enfant légitime, qu’aucun citoyen n’ait droit aux biens de son pére, et que dans trente ans d’ici la France ne soit peuplée que de batards. Tant que les fonctions des prétres auront des effets civils, les prétres seront les vrais magistrats. Les assemblées du clergé de France sont a mes yeux les vrais Etats de la nation (2) (b). Voulez·vous de ceci un exemple attesté, mais presque incroyable : vous n’avez qu’a considérer la conduite qu’on tient avec les protes- tants du royaume. J e ne vois pas pourquoi le clergé de France n’étendrait pas a tous les citoyens, quand il lui plaira, le droit dont il use actuellement sur les protestants francais. L’expérience ayant fait sentir a quel point la révocation de l’Edit de Nantes avait affaibli la monarchie, _on a voulu retenir dans le royaume, avec les débris de la secte persécutée, la seule pépiniére de sujets qui lui reste. Depuis lors, ces infortunés, réduits a la plus horrible situation oii jamais peuple se soit vu depuis que le monde existe, ne peuvent ni rester ni fuir. Il ne leur est per- mis d’étre ni étrangers, ni citoyens, ni hommes. Les droits memes de la nature leur sont otés; le mariage est interdit, et dépouillés in la fois de la patrie, de la famille et des biens, ils sont réduits a l’état des bétes (3). Voyez comment ce traitement inoui suit d’une chaine de principes mal entendus. Les lois du royaume ont prescrit les formes solen- nelles que devaient avoir les mariages légitimes, et cela est trés bien entendu. Mais elles ont attribué au clergé l’administration de ces formes, et les ont confondues avec le prétendu sacrement. Le clergé, (1) On lit dans le manuscrit au bas du feuillet suivant : Mais l’int0lérance ne con- vient qu'd la théocratie, dans tout autre gouvernement, ce dogme est pernicieux. Tout homme qui dit : • hors de l'Egllse point de sal_ut », est nécessairement mauvais citoyen et doit étre chassé de Plitat, d moins que l'Etat ne soit l'Eglise, et que le prince ne soit le pontife. (2) l.e passage suivant se trouvc au verso du feuillet 72 : Le pape est le vrai roi des rois, la division des peuple: en E {ats et gouvernements n’est qu’apparente et illu- soire. Dans le fond, il ny a qu’un Etat dans l'Egllse romaine, les vrais magistrats sont les évéques, le clergé est le souverain, les citoyens sont les prétres, les laiques ne sont rien du tout; d’ou il suit que la division des Etats et des gouvernements catho- liques n’est qu’apparente et illusoire. (3) Et c°est dans ce siécle de lu miére et d'humanité. (a) Le morceau tinit ici. Ce qui suit est un autre fragment. (b) Voir Contrat social, liv. IV, ch. vm, note de l’éditiou sans cartons.