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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/375

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302 DU CONTRAT SOCIAL. de son coté, refuse d’administrer le sacrement it qui n’est pas enfant de l’Eglise, et l’on ne saurait taxer le refus d’iniustice. Le protestant donc ne peut pas se marier selon les formes prescrites par les lois sans renoncer a sa religion; et le magistrat ne reconnait de mariages légitimes que ceux qui sont faits selon les formes prescrites par les lois. Ainsi 1’on tolére et l’on proscrit a la fois le peuple protestant; on veut a la fois qu’il vive et qu’il meure. Le malheureux a beau se ‘ marier, et respecter dans sa misére la pureté du lien qu’il a formé, il = se voit condamné par les magistrats; il voit dépouiller sa famille de ses biens, traiter sa femme en concubine et ses enfants en batards; le tout, comme vous voyez, juridiquement et conséquemment aux lois. Cette situation est unique; et je me hate de poser la plume, de peur de ; céder au cri de la nature qui s’éléve et gémit devant son auteur. Uexpérience apprend que de toutes les sectes du christianisme, la protestante, comme la plus sage et la plus douce, est aussi la plus paci- fique et la plus sociale. C’est la seule ou les lois puissent garder leur empire et les chefs leur autorité (a). ns rfzscnavacz (b) Mais il est clair que ce prétendu droit de tuer les vaincus ne résulte en•aucune maniére de l’état de guerre. La guerre n’est point une relation entre les hommes, mais entre les puissances (1), dans ' laquelle les particuliers ne sont ennemis qu’accidente1lement et I moins comme citoyens que comme soldats. L’étranger qui vole, pille ( et détient les sujets sans déclarer la guerre au prince n’est pas un ennemi, c’est un brigand, et méme en pleine guerre, un prince juste ‘ (r) Qui a pour fin la destruction de l’I;°tat ennemi. (a) R. L. d M. de B. - Mais les contraindre (les protestants) A rester sans vouloir les tolérer, vouloir a la fois qu'ils soient et qu‘ils ne soient pas, les priver meme du droit de la nature, annulerleurs mariages, déclarer leurs enfants batarcls. En ne disant que ce qui est, j‘en dirais trop, il me faut me taire. Dans le méme ouvrage, en note : Dans un arrét du Parlement de Toulouse concer- nant l'afl`aire de l'infortuné Calas, on reproche aux protestants de faire entre eux des mariages qui selon les protestants ne sont que des actes civils et par consequent sou- mis entiérement pour la forme et les efets d la volonté du roi. Ainsi, de ce que, selon les protestants, le mariage est un acte civil, il s’ensuit qu’ils sont obligés de se soumettre it la volonté du roi qui en fait un acte de la religion catho- lique. Les protestants, pour se marier, sont légitimement tenus de se faire catholiques, _ attendu que, selon eux, le mariage est un acte civil; telle est la maniere de raisonner de messieurs du parlement de Toulouse. La France est un royaume si vaste, que les Francais se sont mis dans l’esprit que le genre humain ne devrait point avoir d’autres lois que les leurs. Leurs parlements et leurs tribunaux paraissent n‘avoir aucune idée du droit naturel ni du droit des gens, et il est A remarquer que dans tout ce grand royaume ou sont tant d'universite:, tant de colleges, tant d°académies, et ou s’enseigne, avec tant d‘importa¤ce, tant d‘inutilités, il ( n’y a pas une seule chaire de droit naturel. C’est le seul peuple de l’Eur0pe qui ait re- gardé cette étude comme n’étant bonne a rien. (b) Ce morceau, qui se trouve aiouté apres coup, sur le verso 73 et dernier du ma- ` nuscrit, a passe avec quelques variantes dans le liv. I, ch. tv du Contrat social. , l l l 1