Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/416

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APPENDICE 1V. 343 s’accoutumant a respirer peu a peu a l’air salutaire de la liberté, ces iimes énervées, ou plutot abruties sous la tyrannie, acquissent, par degré, cette sévérité de moeurs et cette fierté de courage qui en firent enfin le plus respectable de tous les peuples. J ’aurais donc cherché, pour ma patrie, une heureuse et tranquille république, dont l’an— cienneté se perdit dans la nuit des temps, qui ¤’€f1I éprouvé que des atteintes propres a manifester et aflermir dans ses habitants le cou- rage et l’amour de la patrie, et ou les citoyens, accoutumés de longue main a une sage indépendance, fussent non seulement libres, mais dignes de l’étre. . J ’aurais voulu me choisir une patrie détournée, par une heureuse nmpuissance, du féroce amour des conquétes, et garantie, par une po- sition encore plus heureuse, de la crainte de devenir elle-méme la con- quéte d’un autre Etat; une ville libre, placée entre plusieurs peuples dont aucun n’e0t intérét a l’envahir, et dont chacun eut intérét a empécher les autres de 1’envahir eux-memes; une république, en un mot, qui ne tentat point l’ambition de ses voisins, et qui put raison- nablement compter sur leur secours au besoin. Il s’ensuit que, dans une position si heureuse, elle n’aurait eu rien a craindrc que d’elle- méme, et que si ses citoyens s’étaient exercés aux armes, c’e1'lt été plutot pour entretenir chez eux cette ardeur guerriére et cette fierté de courage qui sied si bien a la liberté, et qui en nourrit le gout, que par la nécessité de pourvoir a leur propre défense. J’aurais cherché un pays ou le droit de législation ffnt commun a tous les citoyens; car, qui peut mieux savoir qu’eux sous quelles conditions il leur convient de vivre ensemble dans une méme société? . Mais je n’aurais pas approuvé des plébiscites semblables a ceux des Romains, ou les chefs de l’Etat et les plus intéressés a sa conserva- tion étaient exclus des délibérations dont souvent dépendait s‘on salut, et ou, par une absurde inconséquence, les magistrats étaient privés des droits dont jouissaient les simples citoyens. Au contraire, j’aurais désiré que pour arréter les projets intéressés et mal concus, et les innovations dangereuses qui perdirent eniin les Athéniens, chacun n’eGt pas le pouvoir de proposer de nouvelles lois a sa fantaisie; que ce droit appartint aux seuls magistrats; qu’i1s en usassent méme avec tant de circonspection, que le peuple, de son “ coté, fut si réservé a donner son consentement a ces lois, et que la promulgation ne put s’en faire qu’avec tant de solennité, qu’avant que la constitution ffit ébranlée, on eut eu le temps de se convaincre l que c’est surtout la grande antiquité des lois qui les rend saintes et 2 vénérables; que le peuple méprise bientot celles qu’il voit changer i tous les iours, et qu’en s’accoutumant a négliger les anciens usages, l sous prétexte de faire mieux, on introduit souvent de grands maux pour en corriger de moindres. i J’aurais fui surtout, comme nécessairement mal gouvernée, une I l