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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/417

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344 DU CONTRAT SOCIAL. république ou le peuple, croyant pouvoir se passer de ses magistrats ou ne leur laisser qu’une autorite précaire, aurait imprudemment garde l’administration des aiiaires civiles et l’execution de ses propres lois : telle dut etre la grossiere constitution des premiers g0uverne· ` ments sortant immediatement de l’état de nature, et tel fut encore I un des vices qui perdirent la république d’Athenes. I Mais j’aurais choisi celle ou les particuliers, se contentant de donner la sanction aux lois, et de décider en corps et sur le rapport des chefs les plus importantes aifaires publiques, établiraient des tribunaux respectes, en distingueraient avec soin les divers départe- ments, éliraient d’année en année les plus capables et les plus inte- gres de leurs concitoyens pour administrer la justice et gouverner l’Etat, et ou la vertu des magistrats portant ainsi temoignage de la sagesse du peuple, les uns et les autres s’honoreraient mutuellemem. De sorte que si jamais de funestes malheurs venaient A troubler la concorde publique, ces temps meme d’aveuglement et d’erreurs fus- sent marqués par des temoignages de moderation, d’estime reci- proque, et d’un commun respect pour les lois; présages et garants d’une reconciliation sincere et perpétuelle. Tels sont, magnifiques, tres honores et souverains seigneurs, les avantages que j’aurais recherchés dans la patrie que ie me serais choisie. Que si la Providence y avait ajoute de plus une situation charmante, un climat tempéré, un pays fertile et l’aspect le plus dé- iicieux qui soit sous le ciel, je n’aurais desire, pour combler mon bonheur, que de iouir de tous ces biens dans le sein de cette heu- . reuse patrie, vivan_t paisiblement dans. une douce societe avec mes concitoyens, exercant avec eux, et a leur exemple, l`humanite, l’a· mitie et toutes les vertus, et laissant apres moi l’honorable mémoire q d’un homme de bien et d’un honnete et vertueux patriote. Si, moins heureux ou trop sage, je m’etais vu réduit a iinir en · d’autres climats une infirme et languissante carriere, regrettant inu- tilement le repos et la paix dont une jeunesse imprudente m’aurait ' privé, j’aurais du moins nourri dans mon eme ces memes sentiments dont je n’aurais pu faire usage dans mon pays; et, pénétre d’une all fection tendre et désintéressee pour mes concitoyens eloignés, je leur aurais adresse du fond de·mon cmur a peu pres le discours suivant : E Mes chers concitoyens, ou plutot mes freres, puisque les liens du sang ainsi que les lois nous unissent presque tous, il m’est doux de · ne pouvoir penser a vous sans penser en meme temps at tous les biens dont vous jouissez, et dont nul de vous peut—etre ne sent mieux le prix que moi, qui les ai perdus. Plus je reflechis sur votre situation politique et civile, et moins je puis imaginer que la nature des choses humaines puisse en comporter une meilleure. Dans tous les autres gouvernements, quand il est question d’assurer le plus grand bien 4 l l I . i.. ....*.2u