Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/418

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APPENDIUE 1V. 345 de l’Etat, tont se borne touiours A des projets en idées, et tout au plus A de simples possibilités : pour vous, votre bonheur est tout fait, il ne faut qu’en jouir, et vous n’avez plus besoin, pour devenir parfaitement heureux, que de savoit vous contenter de l’étre. Votre souveraineté, acquise ou renouvelée A la pointe de l’épée, et conser- vée durant deux siecles A force de valeur et de sagesse, est enfin pleinement et universellement reconnue. Des traités honorables fixent vos limites, assurent vos droits et affermissent votre repos. Votre constitution est excellente, dictée par la plus sublime raison, et garantie par des puissances amies et respectables; votre Etat est tranquille; vous n’avez ni guerres ni conquérants A craindre; vous n’avez point d’autres maitres que de sages lois que vous avez faites, administrées par des magistrats integres qui sont de votre choix; vous n‘étes ni assez riches pour vous énerver par la mollesse et perdre dans de vaines délices le gout du vrai bonheur et des solides vertus, ni assez pauvres pour avoir besoin de plus de secours étran- gers que ne vous en procure votre industrie; et cette liberté précieuse, qu’on ne maintient chez les grandes nations qu’avec des impots exorbitants, ne vous coute presque rien A conserver. Puisse durer toujours, pour le bonheur de ses citoyens et l’exem- ple des peuples, une république si sagement et si heureusement constituée! VoilA le seul vmu qui vous reste A faire, et le seul soin qui vous reste A prendre. C’est A vous seuls désormais, non A faire votre bonheur, vos ancetres vous en ont évité la peine, mais A le rendre durable par la sagesse d’en bien user. C’est de votre union perpétuelle, de votre obéissance aux lois, de votre respect pour leurs I ministres, que dépend votre conservation. S’il reste parmi vous le 1 moindre reste d‘aigreur ou de méfiance, hAtez-vous de le détruire I comme un levain funeste d’ou résulteraient tot ou tard vos malheurs I et la ruine de l’Etat. Je vous conjure de rentrer tous au fond de votre , coeur, et de consulter la voix secrete de votre conscience. Quelqu’un parmi vous connait-il dans l’univers un corps plus integre, plus éclairé, plus respectable que celui de votre magistrature? Tous ses membres ne vous donnent-ils pas l’exemple de la modération, de la I simplicité de moeurs, du respect pour les lois, et de la plus sincere I réconciliation? Rendez donc sans réserve A de si sages chefs cette _ salutaire confiance que la raison doit A la vertu; songez qu’ils sont de votre choix, qu’ils le justifient, et que les honneurs dus A ceux I que vous avez constitués en dignité retombent nécessairement sur ; vous-memes. Nul de vous n’est assez peu éclairé pour ignorer qu’ou cesse la vigueur des lois et l’autorité de leurs défenseurs, il ne peut y avoir ni sureté, ni liberté pour personne. De quoi s’agit-il donc entre vous, que de faire de bon cmur et avec une juste confiance ce que vous seriez toujours obligés de faire par un véritable intérét, par devoir ou par raison? Qu‘une coupable et funeste indiflérence pour