Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/452

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APPENDICE V. 379 A la défense de chacun d’eux, afin que la faiblesse particuliere fut toujours protcée par la force publique, et chaque membre par tout l’Etat. Aprés avoir par supposition retranché du peuple un individu aprés l’autre, pressez les partisans de cette maxime A mieux expliquer ce qu’ils entendent par lc corps de l’Etat,· et vous verrez qu’ils le ré- duiront, A la fin, A un petit nombre d’hommes qui ne sont pas le peuple, mais les officiers du peuple, et qui, s’étant obliés par un serment particulier A périr eux·mémes pour son salut, prétendent prouver par IA que c’est A lui de périr pour le leur. Veut-on trouver des exemples de la protection que l’Etat doit A ses membres et du respect qu’il doit A leurs personnes, ce n’est que chez les plus illustres et les plus courageuses nations de la terre`qu’il faut les chercher, et il n’y a guére que les peuples libres ou 1’on sache ce que vaut un homme. A Sparte, on sait en quelle perplexité se I trouvait toute la république lorsqu’il était question de punir un citoyen coupable. En Macédoine, la vie d’un homme était une affaire si importante, que, dans toute la grandeur d’Alexandre, ce puissant monarque n’ef1t osé de sang·froid faire mourir un Macedonien cri- minel, que l’accusé n’eut comparu pour se défendre devant ses con- citoyens, et n’eut été condamné par eux. Mais les Romains se distin- guérent au-dessus de tous les peuples de la terre par les égards du gouvernement pour les particuliers, et par son attention scrupuleuse A respecter les droits inviolahles de tous les membres de l’Etat. Il n’y avait rien de si sacré que la vie des simples citoyens; il ne fallait pas moins que Passemblée de tout le peuple pour en condamner un : le sénat méme ni les consuls, dans toute leur majesté, n’en avaient pas le droit; et, chez le plus puissant peuple du monde, le crime et la peine d’un citoyen étaient une désolation publique; aussi parut-il si dur d’en verser le sang pour quelque crime que ce put étre, que, par la1oiPorcia, la peine de mort fut commuée en celle de l’exil, pour tous ceux qui voudraient survivre A 1a perte d’une si douce patrie. Tout respirait A Rome et dans les armées cet amour des concitoyens les uns pour les autres, et ce respect pour le nom romain qui élevait le courage et animait la vertu de quiconque avait l’honneur de le porter. Le chapeau d’un citoyen délivré d’esclavage, la couronne ci- vique de celui qui avait sauvé la vie A un autre, étaient ce qu’on re- gardait avec le plus de plaisir dans la pompe des triomphes; et il est A remarquer que, des couronnes dont on honorait A la guerre les belles actions, il n’y avait que la civique et celle des triomphateurs qui fussent d’herbe et de feuilles : toutes les autres n’étaient que d’or. C’est ainsi que Rome fut vertueuse et devint la maitresse du monde. Chefs ambitieux! Un patre gouverne ses chiens et ses troupeaux, et n’est que le dernier des hommes ! S’il est beau de commander, c’est quand ceux qui nous obéissent peuvent nous honorer: respectez donc vos concitoyens, et vous vous rendrez respectables; respectez 1