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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/481

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l 4o8 DU CONTRAT SOCIAL. L ne peut étre que par une forme de gouvernement confédératif qui unis· l sant les peuples par des liens semblables A ceux qui unissent les in- dividus soumette également les uns et les autres A l’autorité des lois. Le gouvernement parait d’ailleurs préférable A tout autre en ce qu’i1 comprend A la fois les grands et les petits Etats, qu’il est redoutable au dehors par sa puissance, que les lois y sont en vigueur, et qu’il est le seul propre A contenir également les sujets, les chefs et les étran- L gers. Chacun voit que toute société se forme par les intéréts communs, que toute division nait des intéréts opposés, que mille événements fortuits pouvant changer et modiiier les uns et les autres, des qu’il y a société, il faut nécessairement une force coactive qui ordonne et concerte les mouvements de ses membres aiin de donner aux com- muns intéréts et aux engagements réciproques la solidité qu’ils ne sauraient avoir par eux·mémes. Si jamais vérité morale fut démontrée, il me semble que c’est l’utilité générale et particuliere de ce projet. Les avantages qui résul· L teraient de son execution, et pour chaque prince, et pour chaque peuple, et pour toute l’Europe sont immenses, clairs, incontestables. On ne peut rien de plus solide et de plus exact que les raisonnements par lesquels 1’auteur les établit. Réaliser sa république européenne durant un seul jour, c’est assez pour la faire durer éternellement, tant chacun trouverait par Pexpérience son profit particulier dans le bien commun. Cependant ces memes princes qui la défendraient de toutes leurs forces, si elle existait, s’opposeraient maintenant de méme A son exécution et Pempécheraient infailliblement de s’établir comme L ils Pempécheraient de s’étendre. Aussi l’ouvrage de l’abbé de Saint- Pierre sur la paix perpétuelle parait d’abord inutile pour la produire et superflu pour la conserver. C’est donc une vaine spéculation, dira quelque lecteur impatient. Non, ciest un livre solide et sensé, et il est tres important qu’il existe. Les ministres ont besoin de la guerre pour se rendre nécessaires, pour jeter le prince dans des embarras dont il ne puisse se tirer sans eux, et pour perdre l’Etat s’il le faut, plutot que leur place; ils en ont besoin pour vexer le peuple sous prétexte des nécessités publiques, ils en ont besoin pour placer leurs créatures, gagner sur les marches et faire en secret mille odieux monopoles; ils en ont besoin pour satisfaire leurs passions et s’expulser mutuellement; ils en ont besoin pour s’emparer du prince en le tirant de la cour quand il s’y forme contre eux des intrigues dangereuses; ils perdraient toutes ces res- sources par la paix perpétuelle. - l