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du contrat social.

Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes. Ainsi ma question primitive revient toujours[1].

CHAPITRE IV

de l’esclavage

Puisque aucun homme n’a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes.

Si un particulier, dit Grotius, peut aliéner sa liberté et se rendre esclave d’un maître, pourquoi tout un peuple ne pourrait-il pas aliéner la sienne et se rendre sujet d’un roi[2]?

  1. Platon, Des Lois, liv. III. — Dans tous les États, grands ou petits, et pareillement dans les familles, quels sont les titres en vertu desquels les uns commandent et les autres obéissent ?… Le premier de ces titres n’est-ce pas la qualité de père et de mère, et n’est-il pas reçu chez toutes les nations que les parents ont un empire naturel sur leurs enfants ?…

    Le second titre est la noblesse, qui assujettit les conditions inférieures aux supérieures. Le troisième est l’âge… Le quatrième, n’est-ce pas ce qui assure aux maîtres des droits sur leurs esclaves ?… Le cinquième est, je pense, celui qui veut que le plus fort commande au plus faible. C’est là un empire auquel on est bien forcé de se soumettre. C’est aussi le plus commun à tous les êtres, et, comme dit Pindare le Thébain, il a son droit dans la nature. Mais de tous les titres le plus juste est le sixième, qui ordonne à l’ignorant d’obéir et au sage de gouverner et de commander. Mettons le sort pour le septième titre, fondé sur le bonheur et sur une certaine prédilection des dieux…

    Grimm, Correspondance littéraire, décembre 1765. — Ne soyons pas enfants et n’ayons pas peur des mots… De fait, il n’y a pas d’autre droit dans le monde que le droit du plus fort, et, puisqu’il faut le dire, ce droit est le seul légitime. Le monde moral est un compose de forces comme le monde physique ; ne vouloir pas que le plus fort soit le maître, c’est à peu près aussi raisonnable que de ne pas vouloir qu’une pierre de cent livres pesant pèse plus qu’une pièce de vingt livres… Que ce soit par la force des armes ou par celle de la persuasion, ou par celle de l’autorité paternelle que les hommes aient été subjugués des le commencement, cela est égal ; le fait est qu’il n’ont pu éviter d’être soumis et qu’ils le seront toujours…

  2. Grotius, Du Droit de la Guerre et de la Paix, liv. I, chap. iii. — Il est permis à chaque homme en particulier de se rendre esclave de qui il veut, comme cela parait par la loi des anciens Hébreux et par celle des