Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/97

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4o· DU CONTRAT SOCIAL. d’autres principes, et de consulter sa raison avant d’écouter ses penchants. Quoiqu’il se prive dans cet état dc plusieurs avantages qu’il tient de la nature, il en_regagne de si grands, ses facultés s’exercent et se développent, ses idées s’étendent, ses sentiments s’ennoblissent, son ame tout entiére s’éléve a tel point que, si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l’instant heureux qui l’en arracha pour jamais, et qui, d’un animal stupide et borné, iit.un étre intelligent et un homme (1). Réduisons toute cette balance it des termes faciles a com- parer. Ce que l’homme perd par le contrat social, c’est sa liberté naturelle et un droit illimité a tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre(2);ce qu’il gagne,c’estla liberté civile et la propriété de tout ce qu’il posséde . Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut‘ bien distinguer la liberté naturelle,qui n’a pour bornes que les forces dc l’individu (3), (t) Honuss, De Cive chap. x. — Hors de la société civile les passions régnent, la guerrc est éternelle, la pauvreté est insurmontable, la craintc ne nous abandonne iamais, les horreurs de la solitude nous persécutent; la misére nous accable,1a barbarie, l’ignorance et la brutalité nous otent toutes les douccurs dc la vie; mais dans l’ordre du gouvernement Ia raison exerce son empire, la paix revient au monde, la siireté publique est rétablie, les richesses abondent, on goiiteles charmes de la conversation, on voit rcssus- citer les arts et les sciences, la conscience est rendue a toutes nos actions, et nous ne sommes plus ignorans des lois et de 1’amitié... (2) Houses, De Cive, chap. 1. — La nature a donné it chacun de nous égal droit sur toutes choses.Je veux dire que dans uu état purement naturel et avant que les hommes se fussent mutuellement attachés les uns aux autres par certaines conventions, ii était pcrmis ii chacun de faire ce que bon lui semblait contre qui que ce fur, et chacun pouvait posséder, se servir et iouir de tout ce qui lui plaisait. Srmoza, Tractatus politicus, chap. n. — Quatenus homines ira, invi· dia, aut aliquo odii aifectu confiictantur, eatenus diverse trahuntur et invicem contrarii sunt et propterea eo plus timendi quo plus possunt, ma- gisque callidi et astuti sunt quam reliqua animalia, et quia homines ut plurimum his aifectibus natura sunt obnoxii, sunt ergo homines ex natura hostes. Nam is mihi maximus hostis qui mihi maxime timendus et a quo mihi maxime cavendum est. _ (3) R. 8• Lettre de la Montague. — On a beau vouloir confondre 1’indé— pendance et la liberté, ces deux choses sont si différentes que meme elles s'exc1ucnt mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plait, on fait sou-