servi par son laquais, tant à table que dans sa chambre : il l’envoie chercher tout ce dont il a besoin ; n’ayant rien à faire directement avec les gens de la maison, ne les voyant même pas, il ne leur donne des étrennes que quand et comme il lui plaît : mais moi, seul, sans domestique, j’étais à la merci de ceux de la maison, dont il fallait nécessairement capter les bonnes grâces, pour n’avoir pas beaucoup à souffrir ; et, traité comme l’égal de leur maître, il en fallait aussi traiter les gens comme tel, et même faire pour eux plus qu’un autre, parce qu’en effet j’en avais bien plus besoin. Passe encore quand il y a peu de domestiques ; mais dans les maisons où j’allais il y en avait beaucoup, tous très-rogues, très-fripons, très-alertes, j’entends pour leur intérêt ; et les coquins savaient faire en sorte que j’avais successivement besoin de tous. Les femmes de Paris, qui ont tant d’esprit, n’ont aucune idée juste sur cet article ; et, à force de vouloir économiser ma bourse, elles me ruinaient. Si je soupais en ville un peu loin de chez moi, au lieu de souffrir que j’envoyasse chercher un fiacre, la dame de la maison faisait mettre les chevaux pour me ramener ; elle était fort aise de m’épargner les vingt-quatre sous du fiacre : quant à l’écu que je donnais au laquais et au cocher, elle n’y songeait pas. Une femme m’écrivait-elle de Paris à l’Ermitage, ou à Montmorency : ayant regret aux quatre sous de port que sa lettre m’aurait coûté, elle me l’envoyait par un de ses gens, qui arrivait à pied tout en nage, et à qui je donnais à dîner, et un écu qu’il avait assurément bien gagné. Me proposait-elle d’aller passer huit ou quinze jours avec elle à sa campagne, elle se disait en elle-même : Ce sera toujours une économie pour ce pauvre garçon ; pendant ce temps-là, sa nourriture ne lui coûtera rien. Elle ne songeait pas qu’aussi, durant ce temps-là, je ne travaillais point ; que mon ménage, et mon loyer, et mon linge, et mes habits, n’en allaient pas moins ; que je payais mon barbier à double, et qu’il ne laissait pas de m’en coûter chez elle plus qu’il ne m’en aurait coûté chez moi. Quoique je bornasse mes petites largesses aux seules maisons où je vivais d’habitude, elles ne laissaient pas de m’être ruineuses. Je puis assurer que j’ai bien versé vingt-cinq écus chez madame d’Houdetot à Eaubonne, où je n’ai couché que quatre ou cinq fois, et plus de cent pistoles tant à Épinay qu’à la Chevrette, pendant les cinq ou six ans que j’y fus le plus assidu. Ces dépenses
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