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Les Exploits d’Iberville

effet de l’ingratitude de ma part si vous les appreniez d’une autre bouche que la mienne.

Bientôt il me faudra vous quitter sans doute, bientôt je serai forcé de dire adieu à une carrière que j’aime, bientôt même, demain peut-être, il me faudra quitter jusqu’au nom que j’ai su rendre glorieux, car ce nom ne m’appartient pas.

Et comme d’Iberville à ces paroles du jeune homme bondissait sur son siège :

— Écoutez-moi, reprit Urbain. C’est une assez longue histoire que je vais vous conter. Vous me jugerez ensuite.

Et le jeune homme, après s’être recueilli quelques instants, comme pour ramasser tout ce qui lui restait de courage, commença en ces termes :

« Il existe aux environs de Rennes, faisant partie d’immenses domaines, un manoir que l’on nomme le château de la Bouteillerie ou de la Belle-Jardinière.

« Après plusieurs années d’un bonheur sans mélange, la Providence semblait s’être tout-à-coup acharné contre le maître du logis, le marquis Raoul de Duperret-Janson. Dernier d’un des plus beaux noms de France, le marquis avait épousé, encore jeune, une femme digne de lui qui lui avait donné trois beaux enfants, un garçon et deux filles, trinité charmante, joie du foyer, sur qui s’était concentrée toute l’affection des deux époux.

« À peine le fils avait-il atteint sa dix-huitième année, qu’une maladie étrange, inconnue, l’enlevait