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Les Exploits d’Iberville

— Que chantes-tu là, vieux caïman de malheur ? dit-il, le Pélican amener son pavillon quand c’est d’Iberville qui le commande !

— Je dis… je dis… grommela Cacatoès, que si on ne lutte pas…

— Pas lutter ! poursuivit d’Iberville, quand il y a Anglais en avant ! Anglais derrière ! Il s’agit de vendre sa peau le plus cher possible, voilà tout. Réponds, Cacatoès. Je sais que tu as plus d’un tour dans ton sac : le Pélican a-t-il une seule chance d’échapper au désastre ? Réponds sans ambage.

— Dame ! mon commandant, il est sûr et certain que si j’en connaissais tant seulement la queue d’une…

— Ainsi tu n’en connais pas ?

— Non, mon commandant.

— Ainsi, le Pélican est bien perdu ? Il sera pris ou coulé par l’Anglais ?

Urbain et Cacatoès baissèrent la tête sans répondre.

— C’est bien, mes amis, reprit d’Iberville ; c’est tout ce que je voulais savoir. Je suis libre d’agir maintenant et j’agirai, soyez en sûrs, de manière à sauver l’honneur du pavillon et le mien… Pas un mot de la scène qui vient de se passer… Si mes braves matelots doivent succomber ici, je veux qu’en mourant pour la France et le roi, ils croient laisser après eux la victoire. Si l’un de vous en échappe, je veux aussi — c’est un désir bien légitime, n’est-ce pas, ô mon Dieu ? — qu’il explique ma con-