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Page:Rousseau - Marceline, 1944.djvu/22

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MARCELINE.

Laure s’étonna :

— Je ne savais pas, Mademoiselle, que vous connaissiez ma belle-mère depuis si longtemps ?

— Comment donc ! Nous avons fait nos études dans le même couvent. Nous étions plus ou moins bonnes amies. Et Mme Moissy, qui s’appelait alors Octavie Souvin, venait assez souvent chez nous. Un de mes frères s’est même toqué d’elle. Et il s’en est fallu d’un cheveu qu’il ne l’épousât. Grâce à Dieu, c’était un cheveu solide ! — Non ! mais, me vois-tu la belle-sœur d’Octavie Moissy !

— Je suis bien sa belle-fille !

— C’est vrai, c’est vrai. Je n’y pensais plus !

Et Mademoiselle Anna écarquillait les yeux, comme devant une révélation aussi étrange qu’inattendue. Laure la regardait en souriant. Cette conversation l’amusait et l’intéressait.

— Comment donc étiez-vous devenue l’amie de ma belle-mère ? Cela paraît si absurde ! — Il ne devait cependant pas y avoir entre vous beaucoup d’affinités ?

— Oh ! quant à cela, pas l’ombre ! Mais tu sais, à quinze ou seize ans on a si peu de personnalité… Ce sont les circonstances qui ont déterminé la chose. … Nos parents voisinaient. On faisait ensemble des parties de campagne… Enfin, bref, tu vois cela d’ici !

— Oui, je vois cela d’ici. On allait en bande déjeuner sur l’herbe, et ma charmante belle-mère faisait les yeux doux aux jeunes hommes.

— C’est cela même !

Laure se mit à rire. Peut-être eût-elle trouvé mesquin de raconter la querelle de la veille — mais elle éprouvait à parler de Mme Moissy avec irrévérence un plaisir savoureux.

— Je me suis demandé souvent ce qui a pu faire de ma belle-mère une personne si… particulière. Ce